Commentaire du Comité exécutif central du
Parti communiste du Canada, émis le 27 janvier 2009
Publié dans le journal People’s Voice, numéro du 1er au 14 février 2009 - Vol. 17, No 2
Les positions politiques ont changé depuis l'automne dernier à Ottawa, mais pas autant que l'ont déclaré la plupart des analystes qui ont traité du budget fédéral du 27 janvier. Cela n'est pas surprenant puisque les "consultations sur le budget" du ministre des Finances, Jim Flaherty, ont été menées presque exclusivement auprès des grandes entreprises et des «think tanks» (centres de recherche, de stratégie et de diffusion politique) de droite. Alors que la crise économique mondiale s'aggrave, ce budget accorde la priorité à des mesures visant à tirer d'affaire les banques et les autres prêteurs, ainsi qu'à donner des exemptions fiscales aux grandes entreprises, tout en ignorant les besoins urgents des travailleuses/eurs et des chômeuses/eurs. Ces mesures sont une preuve supplémentaire que le gouvernement minoritaire de Stephen Harper reste un outil de confiance de la classe dirigeante et un ennemi acharné des travailleuses/eurs à travers le Canada. Plus que jamais la classe ouvrière et les autres forces démocratiques devront mener un grand combat pour chasser les conservateurs du pouvoir.
Stephen Harper, Jim Flaherty et les membres du cabinet conservateur continuent d'être d'irréductibles partisans de l'idéologie néo-conservatrice. Les conservateurs au pouvoir ont été forcés par les événements de mettre en place un "ensemble de stimulants" qui, en combinaison avec la baisse des recettes publiques, se traduira par un déficit de 64 milliards de dollars au cours des deux prochaines années. Mais l'agenda d'extrême-droite des conservateurs sera maintenu, à peine caché par l'écran de fumée que constituent les annonces de dépenses mineures dans des infrastructures, qui visent à maintenir l'emprise de Harper sur le pouvoir.
La crise actuelle prouve que la réalité l'emporte sur les abstractions de la théorie économique bourgeoise. Depuis plus de deux décennies, tous les gouvernements des grands pays capitalistes appliquent une stratégie de déréglementations, de privatisations, de coupures massives dans les dépenses sociales, d'allégements fiscaux pour les riches et les entreprises et d'augmentation des dépenses militaires. Ils ont imposé ces politiques néolibérales à des États soi-disant «moins développés». Telles sont les mesures que préconise le «Consensus de Washington». Évidemment, si ces mesures étaient efficaces, comme le prétendent les complices du système, le capitalisme serait déjà entré dans une phase supérieure d'expansion, exempte de crises, et des retombées positives se seraient répandues du sommet de la pyramide jusqu'aux secteurs inférieurs de la classe ouvrière.
Mais soudain, comme l'avaient prévu les économistes les plus objectifs ainsi que le Parti communiste (voir le numéro de People's Voice du 1er au 15 janvier 2008), l'édifice s'est effondré. Non seulement les politiques néo-conservatrices sont incapables d'apprivoiser le cycle de phases successives d'expansion et d'effondrement, inhérent au capitalisme, mais, en fait, elles rendent la phase d'effondrement beaucoup plus grave. On sait maintenant que les gigantesques profits et que l'énorme croissance des actifs de ces dernières années n'ont, en fait, été que des spectres obtenus au moyen de manipulations financières, de marchés de logements et d'immobiliers chauffés à blanc et de «bulles» de spéculation et d'endettement sans précédent.
Même avant le mois de septembre dernier, l'impact réel des politiques néo-conservatrices en Amérique du Nord était évident à tout observateur attentif. L'écart entre riches et pauvres a atteint des niveaux stupéfiants, des dizaines de millions de travailleuses/eurs ont été écrasées/és sous le poids des dettes, le secteur manufacturier a été dévasté. En Europe des tendances similaires se sont développées. Aujourd'hui, alors que des millions d'emplois disparaissent, les secteurs qui ont prêché l'évangile néo-conservateur sont à genoux devant les anciens principes du keynésianisme.
Cette évolution des choses a fait naître, chez les électrices/eurs, un puissant consensus affirmant qu'une relance économique est désespérément nécessaire. Dans presque tous les grands pays capitalistes, les gouvernements adoptent des politiques visant à éviter l'effondrement total au moyen de dépenses de trillions de dollars consacrées à l'infrastructure et au sauvetage. Dans une certaine mesure, cela est tout simplement du rattrapage après des années de compressions budgétaires dans les écoles et les hôpitaux, d'abandon dans tous les domaines, qui vont des systèmes d'égouts aux ponts qui tombent en ruine. Des gouvernements qui ont versé des milliards de dollars dans l'expansion militaire, tout en réduisant les taux d'imposition, comme les conservateurs de Harper, et les libéraux avant eux, répondent désormais aux pressions du public en adoptant la voie vers un déficit pour payer les coûts de certaines des priorités urgentes.
Mais une analyse détaillée de ces dépenses s'impose. Le "stimulant" de Harper, de soixante-quatre milliards de dollars sur deux ans, semble très élevé alors qu'en fait il ne représente que moins de 1,5% du produit intérieur brut du Canada. Ce taux est bien inférieur aux 2,5% prévus aux États-Unis et aux sommes nécessaires pour faire redémarrer l'économie nationale qui est tombée en panne. Plus de la moitié du déficit des conservateurs est tout simplement dû à un manque d'argent par rapport aux recettes prévues, d'une part parce que l'économie a ralenti et d'autre part parce que Harper a, l'année dernière, réduit les impôts d'une valeur de 12 milliards de dollars.
Comme si cette baisse des futures recettes du gouvernement ne suffisait pas, les conservateurs accélèrent la réduction d'impôts des sociétés. Leur réduction "générale" d'impôts («across-the-board», pour tout le monde) ne représente en réalité qu'une évolution vers un système d'impôts à taux unique («flat tax», impôts à taux proportionnel contrairement aux impôts progressifs), qui favorise des personnes à haut revenu beaucoup plus que les personnes à revenus faibles et moyens.
Malgré les mots ronflants qu'il contient, le budget ne répond pas aux véritables besoins des masses laborieuses. La moitié des deux milliards de dollars promis pour le logement social sera consacrée à la rénovation et non à la construction de nouveaux logements. Ce montant est inférieur à celui prévu dans le budget pour la vente de maisons et pour les rénovations. Dans l'essentiel, cette somme est en fait une subvention cachée au secteur immobilier et à l'industrie de la construction. De plus, le budget n'a rien fait pour les personnes qui n'ont pas de maisons ou pour la protection des familles confrontées à des saisies.
Le budget ne contient rien en vue des programmes au niveau de tout le Canada de garde d'enfants, d'amélioration des soins de santé ou de réduction du fardeau de la dette auxquels sont confrontés les étudiantes/iants de niveau postsecondaire. Ce budget garde certaines des pires dispositions du catastrophique «énoncé économique» de novembre dernier de Flaherty, y compris l'attaque contre le droit à l'équité salariale pour les femmes, le plafond salarial imposé pour les travailleurs fédéraux et la vente à rabais à des grandes entreprises de biens publics pour une valeur de deux milliards de dollars.
Loin d'aider les chômeurs, ce budget poursuit la guerre des conservateurs contre les pauvres. Il prolonge de cinq semaines des prestations d'assurance-emploi, mais ce changement est minime. Par contre, il maintient le délai d'attente, maintient les prestations à 55% seulement du salaire touché auparavant et ne permet l'accès à ces prestations de famine qu'à environ un tiers des chômeuses/eurs, alors que leur nombre ne fait que grandir. Le budget alloue deux milliards de dollars à la reconversion des travailleuses/eurs sans emploi, mais cette somme ne représente qu'une infime fraction des 54 milliards de dollars volés aux chômeuses/eurs au cours des années par les réductions de prestations d'assurance-emploi imposées par les libéraux et les conservateurs. Le salaire minimum fédéral n'a pas changé et le budget ne fait rien pour protéger ou augmenter les pensions ou pour améliorer l'aide sociale.
Les dépenses d'infrastructure sont chichement saupoudrées dans tout le pays. Au lieu d'un nouveau pacte pour les villes, le budget contient une "pillule empoisonnée" constituée par des dispositions forçant les provinces et les municipalités à verser des fonds de contrepartie. Et parce que les gouvernements locaux ont désespérément besoin d'argent, parce qu'ils n'ont pas de pouvoirs d'imposition et ne reçoivent pas d'appui suffisant des niveaux supérieurs de gouvernement, de nombreux projets prêts à être mis en oeuvre seront mis de côté.
Le budget ne fait rien pour enrayer les pertes d'entreprises manufacturières et pour protéger les emplois du secteur industriel. Il ne contient aucune loi contre les fermetures d'usines qui feraient en sorte que l'appui financier du gouvernement aux entreprises ne serait donné qu'en échange de leur engagement à maintenir ouvertes leurs installations, sans licenciements et sans réductions de salaire. En dépit de l'énorme déficit, le budget n'a pas réduit l'écrasant budget militaire ou les dépenses astronomiques consacrées à la soi-disant "mission" en Afghanistan, discréditée auprès de l'opinion publique.
Les affirmations selon lesquelles Harper serait à l'écoute de la population canadienne et comprendrait la nécessité d'adopter de nouvelles politiques ont été nombreuses. Mais le budget du 27 janvier ne fait rien pour lutter contre les très graves problèmes structurels qui minent la vie sociale et économique du Canada : l'augmentation constante du nombre de chômeuses/eurs et de celui des sans-abri, l'écart grandissant du fossé entre les revenus supérieurs et inférieurs, la désindustrialisation, le caractère complètement inadéquat des programmes sociaux, l'oppression raciste contre les peuples autochtones, la destruction de l'environnement, la liquidation et la vente à rabais de la souveraineté canadienne. En essence, le budget n'est qu'une manoeuvre politique de sauvetage du parti conservateur.
Les libéraux sous la direction de leur nouveau leader, Michael Ignatieff, ont décidé d'appuyer ce budget dans l'espoir de retrouver leur position en tant que parti le plus favorisé par le grand capital. Cette décision met fin à la coalition libérale-néo-démocrate, sur laquelle des millions de personnes des masses laborieuses fondaient leurs espérances pour vaincre le gouvernement le plus réactionnaire, pro-capitaliste, militariste et vendu de l'histoire canadienne.
Mais alors que le Canada est confronté à la plus profonde crise économique qui soit survenue depuis des générations, le mouvement syndical et les mouvements démocratiques ne peuvent accepter un tel résultat sans réagir. Nous lançons un appel à intensifier la lutte pour l'unité de la classe ouvrière et de ses alliés afin d'organiser des actions de masse pour chasser les conservateurs de Stephen Harper du pouvoir et pour que soient adoptées des politiques favorables au peuple si désespérément nécessaires en ce moment crucial.
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