mardi 24 novembre 2009

Congrès de Québec Solidaire
LA SOUVERAINETÉ DU QUÉBEC: MOYEN OU BUT?

Bureau de People’s Voice au Québec

«Assez de défaitisme et de petits pas, remobilisons les Québécoises et les Québécois autour de l'indépendance» est devenu le slogan final à l’issue du dernier congrès d’orientation politique de Québec Solidaire à Laval, qui s'est tenue à la fin de novembre après plusieurs mois de débat. La déclaration illustre un cheminement du nouveau parti politique de gauche vers une position clairement séparatiste à propos de la question nationale.

Jusqu'à ce congrès, Québec Solidaire était un parti unifié de la gauche qui intégrait différentes perspectives sur la question des relations du Québec avec le Canada. « Avant, on voyait le projet de souveraineté comme un outil secondaire pour réaliser un programme social et environnemental », a dit à People's Voice Pierre Fontaine, président du Parti communiste du Québec. « De moyen, la souveraineté est devenue un but en soi. »

Québec Solidaire a été formé en 2006 de la fusion d'Option citoyenne et de l'Union des forces progressistes (un parti fédéré dont faisait partie le Parti communiste). Depuis la percée victorieuse d’Amir Khadir comme candidat de QS dans la circonscription montréalaise de Mercier, lors de l’élection provinciale de novembre 2008, il y a eu une pression de plus en plus forte pour que soit adoptée une position plus nationaliste.

« La porte est désormais ouverte à des compromis avec les forces nationalistes bourgeoises - comme le Parti québécois (PQ) », a dit Fontaine. Certaines propositions au cours du débat avançaient l’idée d’un front uni pour l'indépendance nationale avec des groupes comme la Société Saint-Jean-Baptiste, les syndicats, les étudiants, les écologistes, les féministes, et « les partis souverainistes».

« M. Jacques Parizeau parle de l'absolue nécessité de renouveler le discours sur la souveraineté. À Québec solidaire, nous sommes totalement d'accord. Au fil des ans, le discours sur l'indépendance a été vidé de son sens par certains souverainistes qui ont voulu faire du Québec un pays sans projet (de justice sociale) », a déclaré dans un communiqué aux médias la présidente et porte-parole de Québec solidaire, Françoise David.

Cette position, cependant, va aliéner à QS le soutien de progressistes qui ne considèrent pas la séparation comme la question principale aujourd'hui. La proposition a suscité l’opposition de différents orateurs sur le plancher du congrès. Arthur Sandborn, ancien dirigeant de la Confédération des syndicats nationaux (Conseil central de Montréal) a annoncé sa démission dès que la résolution finale fut adoptée.

«En fait, la prétention que le fédéralisme canadien ne peut être réformé présume que la bourgeoisie sera toujours au pouvoir et que les conditions politiques actuelles ne changeront jamais», a souligné Pierre Fontaine. «Le changement n’est vu possible qu’au Québec, parce qu’il y existe un mouvement bourgeois en faveur de la souveraineté. La question d’une transformation sociale fondamentale n’est donc pas réellement posée.»

« Ceux qui sont responsables de l'oppression nationale au Canada sont la classe dirigeante et le système capitaliste », a souligné Pierre Fontaine. «Les communistes défendent, au sein de la classe ouvrière, le droit à l'autodétermination, y compris le droit de séparation, afin de promouvoir l'unité des travailleuses et des travailleurs et de leurs alliés contre leur ennemi commun.»

Fontaine a souligné la proposition de longue date du Parti communiste à l’effet que ces droits doivent être inscrits dans une nouvelle constitution, démocratique et égalitaire pour toutes les nations au Canada. « Cela est nécessairement liée à la lutte pour le socialisme.»

Les doléances et le mécontentement du Québec sont de nouveau en discussion suite à l’arrêt de la Cour suprême d’Octobre dernier annulant le projet de loi 104, sur la question controversée du choix de l'école où les parents, en particulier les parents immigrés, peuvent envoyer leurs enfants.

Étant donné les avantages de parler anglais au Québec, comme par exemple pour obtenir des salaires plus élevés et une meilleure qualité de vie, les communautés d'immigrants ont depuis longtemps opté pour envoyer leurs enfants dans des écoles anglophones, intégrant ainsi la minorité canadienne-anglaise plutôt que la majorité francophone. En réponse à cette pression sur la langue française, le PQ adopta une législation limitant l'accès aux écoles de langue anglaise.

La Charte québécoise de la langue française dit que les enfants doivent recevoir, sans exception, l’enseignement en français. L'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés stipule toutefois que « les citoyens canadiens dont un enfant a reçu ou reçoit son instruction, au niveau primaire ou secondaire, en français ou en anglais au Canada ont le droit de faire instruire tous leurs enfants, aux niveaux primaire et secondaire, dans la langue de cette instruction dans cette province ».

« Le problème est que vous avez une égalité formelle appliquée à une réalité inéquitable entre les deux langues », a souligné Pierre Fontaine. «Si ça ne tenait qu'à la Constitution canadienne, la langue française serait condamnée à disparaître progressivement.»

Avant que la loi 104 ne fusse adoptée, de nombreux parents envoyaient leurs enfants à l'école anglaise privée (non subventionnée par le ministère de l'Éducation) pour une courte période afin de pouvoir revendiquer le droit constitutionnel à l'éducation en anglais. Les sœurs, les frères et les possibles descendants d'un étudiant qui avait ainsi obtenu le droit à une éducation en anglais pouvaient, à leur tour, aller légalement à une école anglaise au Québec.

Cette lacune avait soulevé un tollé général, car elle permettait aux immigrants de contourner la loi. La loi 104 avait fermé la brèche, la décision de la Cour suprême l'a ouverte à nouveau. Cette situation inquiète vivement les Québécoises et les Québécois. Plusieurs centaines de nationalistes et de syndicalistes ont organisé un rassemblement contre la décision quelques jours après qu'elle eut lieu.

«La nation québécoise doit avoir le droit de défendre la langue française», a souligné Pierre Fontaine. «C'est un autre exemple de l'échec de la Constitution canadienne à reconnaître le droit du Québec à l'autodétermination».