lundi 27 juillet 2009

POUR METTRE FIN AU COUP D'ÉTAT AU HONDURAS, LE CANADA DOIT AGIR MAINTENANT!

Un mois s'est écoulé depuis le coup d'État du 28 juin au Honduras, par lequel le président élu, Manuel Zelaya, a été démis de ses fonctions et exilé, alors que l'un des dirigeants du coup d'État, Roberto Micheletti, a été mis à sa place soi-disant comme "président intérimaire". En dépit de cela, des manifestations de protestation, des grèves générales en cours dans le pays, et de la condamnation internationale unanime, y compris la suspension du Honduras de l'Organisation des États américains (OEA), les dirigeants du coup d'État se maintiennent au contrôle du pays.
Le Canada et les autres États impérialistes - les États-Unis en premier - ont d'abord été forcés de se dissocier publiquement du coup d'État. Mais la secrétaire d'État états-unienne, Hillary Clinton, et le gouvernement Harper, à Ottawa, refusent d'exiger le retour de Zelaya au pouvoir, et, par conséquent, les échanges commerciaux et la fourniture d'aide économique se poursuivent. Comme l'a dit un analyste, «si l'administration Obama voulait vraiment mettre fin à ce coup d'État, il lui suffirait de donner un coup de téléphone!»
En effet, l'allégation selon laquelle le gouvernement états-unien n'a pas été étroitement impliqué dans le coup d'État ne tient pas debout. La majorité des membres du commandement de l'armée hondurienne et des autres hauts fonctionnaires de l'État ont été formés aux États-Unis (entre autres à la célèbre «École des Amériques»). L'armée et les services d'intelligence états-uniens savent tout ce qui se passe au Honduras et dans les autres États faibles de type néo-colonial de la région. Quant à la mafia terroriste, d'origine cubaine, appuyée par les États-Unis et basée à Miami, a des liens étroits avec l'oligarchie hondurienne, y compris par leur participation au lucratif commerce des drogues.
L'impérialisme joue double jeu quand il fait, d'une part, de grandes déclarations contre le coup d'État, alors qu'il applaudit en privé les auteurs de ce coup, en les protégeant de toute pression internationale concertée, donnant ainsi aux putschistes le temps d'étouffer la résistance locale et de consolider leur emprise inconstitutionnelle sur le pouvoir.

Et la raison est simple : le Honduras est un terrain d'essai pour de nouvelles tactiques servant à renverser des gouvernements socialistes, anti-impérialistes, progressistes ou d'orientation de gauche en Amérique latine, qui tiennent compte des conditions actuelles et qui sont différentes de celles des années 1950, 60 et 70, alors que les coups d'État appuyés et conçus par les États-Unis se multipliaient dans tout l'hémisphère des Amériques.
Le président Zelaya a perdu la faveur de la classe dirigeante du Honduras et de ses alliés états-uniens quand il a commencé à adopter des politiques plus indépendantes et plus favorables au peuple, quand il s'est fortement opposé à la privatisation de HonduTel et d'autres entreprises de services publics, quand il a développé ses liens diplomatiques, économiques et politiques avec Cuba, avec le Venezuela et avec d'autres États progressistes, pour ensuite rejoindre l'ALBA (Alternative bolivarienne pour les Amériques). Lorsque les cercles oligarchiques au sein de l'État (les forces armées honduriennes, le système judiciaire et le Congrès) ont conclu qu'ils avaient perdu le contrôle effectif de Zelaya, et qu'un grand pourcentage de travailleuses/eurs, de paysannes/ans et de pauvres avait commencé à prendre forme, ils ont décidé le moment était venu d'agir.
Le Parti communiste du Canada se joint aux mouvements ouvrier, progressive et aux autres organisations démocratiques pour condamner clairement et sans équivoque le coup d'État au Honduras et pour exiger le rétablissement immédiat du président Manuel Zelaya à ses fonctions et l'arrestation et le châtiment des responsables du coup d'État. Nous exigeons également que le gouvernement du Canada condamne les attaques brutales du régime contre les travailleuses/eurs, les jeunes et les autres citoyennes/ens honduriennes/iens opposées/és au coup d'État, et exige que les leaders du coup d'État se rendent et rétablissent immédiatement à son poste légitime le président élu démocratiquement, sans conditions. Ces demandes doivent être combinées aux mesures suivantes:
cesser tous les programmes d'aide au Honduras, directs ou appuyés par l'État, qui profitent à l'oligarchie;
cesser les relations diplomatiques avec le Honduras et déclarer l'ambassadeur hondurien au Canada persona non grata; et

imposer des sanctions économiques, politiques et militaires généralisées contre le Honduras

Toutes ces mesures seront nécessaires et pourront suffir si les positions du Canada sont traduites par des actes réels. Nous sommes convaincus que le peuple hondurien, au moyen de l'appui et de la solidarité des peuples du monde, réussira à renverser ce coup d'État, à vaincre les machinations actuelles et futures de l'oligarchie et de ses appuis impérialistes!

Déclaration émise par le Parti communiste du Canada
290A Danforth Ave., Toronto, ON M4K 1N6
Tél. : (416) 469-2446 (v) - Courriel : info@cpc-pcc.ca - Internet : www.communist-party.ca


dimanche 26 juillet 2009

OPÉRATION WALKYRIE: comment Hollywood attente à l'Histoire

Une INTERVIEW de Annie Lacroix-Riz par Grégoire Lalieu 25 Fév. 2009
« Stauffenberg était un être exceptionnel », s’exclame l’acteur Tom Cruise en pleine promotion du film Walkyrie. La production hollywoodienne relate le complot du 20 juillet 1944 au cours duquel une poignée de militaires allemands tentèrent d’assassiner Hitler. Mais elle ne s’attarde pas sur le profil et les motivations de ces résistants. Annie Lacroix-Riz, professeur d’histoire contemporaine à l’université Paris- VII, nous explique le contexte de cet attentat manqué et saborde la vision idyllique de la vedette hollywoodienne.
Quelles étaient les motivations de Stauffenberg et son équipe : laver l’honneur de l’Allemagne sali par les atrocités d’Hitler ou sauver les meubles dans une guerre qui était sur le point d’être perdue ?

C’est bien évidemment la deuxième proposition qui est exacte. Les résistants du complot sont extrêmement tardifs et ne remettent en cause aucun des traits dominants de la politique allemande d’occupation, d’extermination et de pillage. Stauffenberg et ses compagnons ont toujours soutenu le régime. Aucune étude sérieuse sur ce colonel ne le nie et on dispose d’énormément de citations sur son approbation de toute la politique hitlérienne ainsi que sur sa contribution militaire, même avant la guerre générale. Ces hommes ont accompagné le régime nazi dans ses pires exactions. Ils viennent d’un milieu où fleurit la haine de la démocratie, de la philosophie progressiste des Lumières et des juifs.
Le but des résistants du 20 juillet était de négocier un accord avec les Anglais et les Américains. Une telle négociation était-elle possible ?
A partir de la défaite allemande de Stalingrad en 1943, il était question de négocier avec les Anglais et les Américains une solution d’Hitler sans Hitler. Il y avait déjà eu des amorces de négociations de ce type à la fin des années 30 et au début des années 40. Il s’agissait de discussions formelles, soit au niveau gouvernemental, soit au niveau du patronat, qui portaient sur un partage du continent et notamment, sur une expansion en Union Soviétique. A l’époque, ces négociations n’ont pas abouti car l’Allemagne demandait plus que ce que les Anglo-Américains étaient disposés à concéder. Il faut savoir cependant que cette politique de compromis, au départ mise en place sous le nom de politique d’Apaisement, a gardé des oreilles très attentives dans les années qui ont suivi et n’a été mise à mal que par la conjoncture militaire. En effet, le haut patronat allemand était lié avec les Britanniques et plus encore avec le patronat américain. Ainsi, peu de temps après l’entrée des Etats-Unis dans le conflit suite au bombardement de Pearl Harbour en 1941, de grandes personnalités du pétrole américain se sont réunis à Genève avec leurs collègues d’IG Farben, empire industriel allemand de la chimie. Le message de ces derniers était le suivant : « Vous nous laissez l’Union Soviétique, on s’arrange après pour le reste. » Mais bien évidemment, il n’y avait plus grand chose à négocier depuis que le Blitzkrieg (guerre-éclair) était rentré en agonie.
Cette proposition allemande n’avait donc plus grande vraisemblance. Parmi certains militaires allemands, des discussions diplomatiques allaient dans le même sens et exploraient les pistes d’une solution sans Hitler. Cette solution avait un bon écho parmi les dirigeants et le patronat anglo-américains qui tentaient de démontrer que finalement, seule une poignée d’hommes remplaçables empêchait une réconciliation avec l’Allemagne. Cet aspect très important est un trait caractéristique de la politique des Etats-Unis à l’égard de tous leurs ennemis officiels de l’époque, tels que l’Italie ou la France. Dans ce dernier cas que j’ai très bien étudié(1), les Etats-Unis cherchaient à établir ce que j’appelle une solution de Vichy sans Vichy, c’est-à-dire maintenir le régime en place et en remplacer quelques hommes seulement.
Pourquoi maintenir ces structures ?
Le grand patronat des pays occupés a maintenu ses positions d’avant-guerre, c’est-à-dire des liens très forts avec l’Allemagne et une politique de collaboration. Cette politique a été très loin, de la livraison massive de marchandises jusqu’à l’association de capitaux où on avait bien évidemment pris le soin d’évincer les apports juifs. En poursuivant au niveau du patronat les politiques qui avaient caractérisé l’entre-deux guerres, on a rénové les politiques de cartels commerciaux, les accords sur les prix, l’extension des marchés… Il est clair que le grand patronat s’est posé en soutien de l’Allemagne occupante et contrairement à ce que certaines légendes prétendent, nous n’avons trouvé aucun résistant dans ces milieux. Je l’ai étudié pour la France et des travaux de même ordre ont été réalisés pour d’autres pays.
Les Etats-Unis eux-mêmes ont mené une politique très active de collaboration avec le Reich. Officiellement, cette politique a été interrompue par les rivalités inter-impérialistes exacerbées par la Crise, surtout depuis 1934. Officieusement, les relations avec le patronat étaient maintenues de manière clandestine, même en temps de guerre. Charles Hingham nous propose une excellente synthèse de ce phénomène(2). Même durant la guerre, certains liens n’étaient donc pas coupés. Lorsqu’au terme du conflit, on a établi un compromis sur base de la défaite des partenaires-rivaux, on a officiellement repris la politique de collaboration qui n’avait donc jamais réellement été interrompue. Jacques Pauwels le démontre parfaitement dans son ouvrage "Le Mythe de la bonne guerre"(3) : le maintien de la collaboration clandestine a rendu rigoureusement impossible toute dénazification ou épuration des classes dirigeantes, dans quelque pays que ce soit.
Existait-il d’autres mouvements de résistance allemands ?
On a beaucoup parlé des mouvements de résistance catholiques dont la Rose Blanche et les frère et soeur Scholl. Je voudrais rappeler que ces mouvements se sont déployés dans les mêmes conditions que celle du haut état-major, c’est-à-dire au terme de dix ans de régime hitlérien et dans des milieux qui n’avaient en aucun cas résisté au nazisme. Il y a eu par ailleurs une incontestable résistance sociale-démocrate dont l’essentiel s’est retrouvé en exil. Mais nul ne peut nier à la lumière des travaux historiques qu’en matière de résistance active contre le régime, le SPD, le parti social-démocrate d’Allemagne, a joué un rôle très modeste. Il en va de même pour l’Eglise protestante qui n’a jamais remis en cause les conquêtes et occupations allemandes ainsi que la destruction systématique sur le front oriental de dizaines de millions d’hommes, femmes et enfants. Par contre, mon collègue Ayçoberry, un excellent spécialiste de l’Allemagne, a réalisé une étude de la société allemande de 1933 à 1945(4) dans laquelle, avec une grande honnêteté, il reconnaît que la seule résistance active et immédiate contre le régime hitlérien a été celle du KPD, le Parti communiste d’Allemagne. Cette résistance a fait l’objet d’une répression atroce et a été active de manière sensible dans le Reich ainsi qu’en exil, notamment dans les Brigades internationales. A part cela, la résistance active a été quasi nulle en Allemagne.
Quelle aurait été la suite des événements si l’opération Walkyrie avait réussi?
C’est difficile d’y répondre car la solution d’une alliance entre les Allemands et les Anglo-Américains était devenue difficilement envisageable compte tenu de l’avancée de l’Armée rouge. On pouvait également difficilement présenter à l’opinion publique l’idée que les porteurs de la civilisation occidentale à savoir les Américains, les Anglais et les Allemands, allaient maintenant se tourner ensemble contre l’Union soviétique.
Finalement, quel était l’ennemi le plus dangereux pour l’alliance américano-britannique : les nazis ou les communistes ?
Il y a encore eu d’autres tentatives après celle de Stauffenberg qui avaient toutes un objectif commun : un retournement des fronts, car l’ennemi essentiel n’était pas allemand mais soviétique. Le but poursuivi était de retrouver ce qui s’était fait après 1917, à savoir une jonction de toutes les grandes puissances contre la Russie. Sur le plan idéologique, il s’agissait de combattre les méchants communistes. Mais en réalité, la question était beaucoup plus profonde que cela. En fait, en tant que puissances impérialistes, les Etats-Unis et l’Allemagne avaient des visions très nettes sur les ressources de la Russie, qu’elle fût bolchévique ou non. Le grand historien William Appelman Williams a d’ailleurs démontré que les appétits américains sur les richesses russes étaient antérieurs à 1917. Quant aux appétits allemands, ils sont notoirement reconnus par tous les historiens spécialistes du vingtième siècle.
Il a donc d’abord été tenté de mettre fin à l’expérience bolchévique par les armes, de 1918 à 1920. Cette tentative est ensuite passée par l’établissement du cordon sanitaire. Les puissances impérialistes telles que les Etats-Unis, la France, l’Angleterre et l’Allemagne souhaitaient entourer l’Union soviétique d’une série d’Etats dont la gestion permettrait de bloquer toute éventuelle contagion. Il s’agissait le plus souvent de dictatures tellement féroces pour leurs populations que celles-ci ne seraient pas tentées d’imiter l’expérience soviétique.
Le véritable ennemi était donc communiste, si bien qu’à partir de janvier 1945, une course poursuite s’est engagée dans la complicité entre d’une part, les Américains et les Anglais, et d’autre part, les Allemands. L’historien américain Gabriel Kolko explique dans son livre « Politics of War »(5) qu’à cette période, et jusqu’à la fin de la guerre, il n’y a pratiquement plus de troupes allemandes sur le front Ouest. Il ne reste que 27 divisions dont 26 sont chargées d’organiser l’évacuation de la Wehrmacht vers les Occidentaux. Cette évacuation a d’une part permis à de nombreux criminels de guerre d’échapper au châtiment et s’est d’autre part accompagnée de la livraison maximale de matériel que l’Allemagne n’aurait probablement jamais
récupéré s’il était tombé aux mains des Soviétiques. Sur le front oriental par contre, il reste 260 divisions entièrement vouées au combat. Alors que les Américains entrent comme dans du beurre dans la zone qu’ils vont occuper et qui doit être la plus large possible, les Soviétiques se heurtent à une offensive toujours aussi effroyable. A tel point qu’à l’Est, Prague tombe le 9 mai, au-delà donc de la date officielle de capitulation.
Pourquoi le rôle de l’URSS est-il généralement minimisé dans les manuels d’Histoire ?

C’était reconnu en 1945 et ça l’est aujourd’hui par tout historien sérieux : c’est l’Unions Soviétique qui a gagné la guerre en termes militaires. Mais elle est sortie du conflit les flancs blessés. Ses pertes sont évaluées aujourd’hui au double de ce qu’elle avait reconnu en 1945. L’URSS aurait ainsi perdu entre 27 et 30 millions de personnes, soit 60% des pertes totales de la guerre. De leur côté, les Etats-Unis ont apporté une contribution militaire rigoureusement ridicule. On parle actuellement de moins de 300.000 morts à la fois sur les fronts japonais et européens. De plus, il s’agit exclusivement de pertes militaires alors que plus de la moitié des pertes soviétiques sont des pertes civiles. Les deux dernières semaines du conflit qui aboutissent à la prise de Berlin illustrent parfaitement cette asymétrie : l’Union Soviétique a perdu durant ces quelques jours plus d’hommes que les Etats-Unis n’en ont perdu durant toute la guerre sur les fronts japonais et européens!
Pourtant, ce sont les Américains qui sont sortis grands vainqueurs sur le plan économique, financier et politique. Et l’état misérable dans lequel l’URSS va sortir du conflit va contribuer à son effondrement et donc à une victoire totale des Etats-Unis. Au lendemain de la guerre, les accords prévoyaient que l’Union soviétique récupère ses frontières de 1941 et se ménage une zone d’influence dans ce qui avait été autrefois la zone du « cordon sanitaire ». Les Américains pensaient pouvoir refuser cette zone compte tenu de l’extrême faiblesse de leurs interlocuteurs. Harriman, ambassadeur américain en URSS en 1943 et 1944, sentait le pays confronté à de telles difficultés d’après-guerre qu’il confia à Roosevelt que l’Union Soviétique renoncerait probablement à cette zone d’influence si les Etats-Unis étaient disposés à lui prêter un milliard de dollars. Je vous ferai remarquer que l’URSS totalisait 200 milliards de pertes infligées par l’Allemagne ! Les Etats-Unis n’ont finalement pas pu empêcher l’établissement de cette zone d’influence, mais se sont empressés d’en limiter l’extension et la durée. Laissez-moi attirer votre attention sur un fait important que la plupart des populations ignorent parce qu’on leur laisse ignorer : des études se sont multipliées depuis quinze ans et nous ont appris que le projet américain de « Rollback », qui consistait à repousser la zone d’influence soviétique vers l’Est au profit de la zone d’influence américaine, ne date pas de la gestion d’Eisenhower à partir de 1953. C’est le projet de l’administration démocrate qui a d’emblée souhaité tirer avantage de l’état de faiblesse dans lequel la guerre avait laissé l’Union soviétique. Celle-ci s’effondrera définitivement en 1989 et c’est la conception américaine de l’Histoire qui s’est finalement imposée. Elle ne respecte en rien les réalités historiques mais illustre simplement la loi du plus fort gagnant. Voilà pourquoi nous nous trouvons aujourd’hui dans une situation d’ignorance plus grande que celle des populations de 1945 où personne ne doutait de la contribution éminente de l’URSS à la victoire générale des Alliés.
Ce n’est pas la première fois qu’Hollywood interprète l’Histoire à sa manière. Quelles peuvent-être les motivations d’une telle démarche ?
Par la vision hollywoodienne, on a toujours l’impression que les choses surgissent brusquement. Tout d’un coup, des hommes pleins d’un grand sens moral s’interrogeraient sur les graves manquements à l’éthique du régime nazi. Onze ans après la prise du pouvoir par Hitler tout de même ! C’est une vision assez caricaturale qui a malheureusement prévalu dans l’historiographie dominante. Depuis que les pays socialistes sont passés au marché, la zone d’influence américaine s’est largement accrue. L’idée que les démocrates américains ont libéré l’Europe s’est imposée et il fallait que l’Allemagne y figure dignement. Par conséquent, on tente de faire passer une conception dans laquelle la Wehrmacht n’aurait pas été si vilaine que ça, contrairement aux nazis. L’armée allemande n’aurait pas participé aux massacres, y compris ceux du front Est. Or, on sait sur bases d’études sérieuses parmi lesquelles figurent les travaux de très bons historiens allemands, que la Wehrmacht a bien participé aux massacres de slaves et de juifs. Elle était un auxiliaire irremplaçable des tueurs de la SS.
Les réalités économiques et politiques sont venues brouiller le sérieux de l’étude historique et ont fait triompher une vision aussi fantaisiste que celle qui prévaut dans les films hollywoodiens. Imaginez quelle aurait été la conception de l’Histoire si l’Allemagne avait gagné la guerre ! Nous avons aujourd’hui une conception qui résulte de la victoire par K.O. des Etats-Unis mais nous reviendrons certainement à une vision populaire plus proche de la réalité historique quand les rapports de force internationaux auront changé. On peut compter sur les conséquences à terme de la crise pour conduire à une vision plus réaliste de l’Histoire et plus respectueuse des acquis de la recherche historique.
25 février 2009
(1) Annie Lacroix-Riz, "Industriels et banquiers français sous l’Occupation", Armand Collin, 1999 ainsi que Annie Lacroix-Riz, "Quand les Américains voulaient gouverner la France" in Le Monde Diplomatique, mai 2003.
(2) Charles Higham, "Trading with the Enemy, an exposé of the Nazi-American Money Plot, 1933-1949", New York, Delacorte Press, 1983.
(3) Jacques Pauwels, "Le mythe de la bonne guerre", EPO, 2005. Voir également l'article consacré à cet ouvrage sur ce site: http://www.michelcollon.info/articles.php?dateaccess=2004-06-01%2013:11:24&log=lautrehistoire
(4) Pierre Ayçobery, "La société allemande sous le IIIe Reich, 1933-1945", Points, 1998
(5) Gabriel Kolko, "The Politics of War. The World and the United States Foreign Policy,
1943-1945", New York, Random House, 1969, rééd. 1990

jeudi 23 juillet 2009

VIVES PROTESTATIONS CONTRE LE PUTSCH AU HONDURAS

La Havane. 23 Juillet 2009
Granma international
Le gouvernement du Venezuela a décidé d’ignorer l’ordre d’expulsion de son personnel diplomatique à Tegucigalpa signifié par les autorités illégitimes

• LES mouvements populaires du Honduras ont réalisé, mercredi, des marches à Tegucigalpa, la capitale, et dans des régions de l’intérieur du pays contre le coup d’Etat militaire, à la veille de la grève générale convoquée pour exiger le rétablissement de l’ordre constitutionnel.
Des milliers de manifestants ont défilé dans les banlieues du nord de la capitale, avant de se rassembler dans le Parc Central, dans l’enceinte historique, en réponse à l’appel lancé par le Front national contre le coup d’Etat.
Une manifestation semblable a eu lieu dans la ville de La Lima, dans le département de Cortés, dans le nord du pays, tandis que les opposants au putsch procédaient à des barrages de routes dans les environs de San Pedro Sula, la deuxième ville du pays, située à quelque 250 kilomètres au nord de Tegucigalpa.
Des organisations du Front des étudiants contre le coup d’Etat ont également effectué une marche de protestation dans la capitale contre le gouvernement de facto et pour la défense des conquêtes en matière d’éducation, que la clique de Micheletti a dit vouloir annuler.
Des organisations féminines se sont rassemblées devant l’ambassade des Etats-Unis pour exiger de ce pays qu’il ne reconnaisse pas le régime de facto, cesse de soutenir l’extrême droite et prenne des mesures efficaces contre les putschistes.
«Cette lutte va au-delà du rétablissement de Manuel Zelaya dans ses fonctions. Nous luttons pour l’aboutissement de nos revendications historiques», a déclaré l’une des manifestantes interrogée par l’agence Telesur.

Le dirigeant paysan Rafael Alegria a expliqué à l’agence Prensa Latina que les protestations populaires continueront jusqu’à ce que l’Etat de droit soit rétabli et jusqu’au retour du président constitutionnel Manuel Zelaya.
Alegria a annoncé que jeudi et vendredi, les travailleurs et le peuple en général paralyseront les institutions publiques et le réseau routier, et multiplieront les manifestations de soutien à la grève générale de 48 heures.
Entre-temps, le régime de facto a interpellé 121 citoyens nicaraguayens, vénézuéliens, colombiens et iraniens pour enquêter sur leurs activités dans ce pays, a révélé un porte-parole du Secrétariat à la sécurité, dont fait état l’agence ANSA.
REJET DU VENEZUELA
Le gouvernement vénézuélien a annoncé qu’il ignorait le contenu et le droit des autorités illégitimes du Honduras quant à leur intention d’expulser son personnel diplomatico-administratif, technique et des services.
Un communiqué du ministère des Affaires étrangères du Venezuela qualifie d’absurde l’annonce, rendue publique hier, quant à l’expulsion de tout son personnel diplomatique dans les 72 heures.
A cet égard, des dirigeants populaires du Honduras ont manifesté leur solidarité au Venezuela.
URIBE RECOIT LE CHEF DE LA DIPLOMATIE PUTSCHISTE
Depuis Bogota, l’agence DPA signale que le ministre hondurien des Affaires étrangères du régime de facto, Carlos Lopez, a été reçu par le président colombien Alvaro Uribe.
Lopez conduisait une délégation hondurienne composée de huit personnes qui s’est réunie à Bogota avec Uribe, au terme d’une cérémonie présidée par Uribe pour fixer les sessions du Congrès.

Pendant ce temps, Oscar Arias, le président du Costa Rica, donnait une conférence de presse pour proposer un nouveau document de médiation, qui ne ferait que retarder le retour de Zelaya à son poste légitime. (SE)

mercredi 8 juillet 2009

" CONTINUONS LE COMBAT! "


La Havane. 8 Juillet 2009
Granma internacional


C’est ce qu’a affirmé la première dame du Honduras, en prenant la tête d’une imposante manifestation dans la capitale de ce pays. Entre-temps, les organisations populaires continuent de protester contre le coup d’Etat.

Malgré les menaces dont elle et sa famille ont été l’objet, la première dame du Honduras, Xiomara Castro, a pris la tête d’une manifestation gigantesque pour protester contre le coup d’Etat et exiger le retour de la démocratie dans son pays, ainsi que le rétablissement de Manuel Zelaya dans ses fonctions de président constitutionnel du Honduras.

«Je ne pouvais pas rester les bras croisés dans cette lutte, à laquelle je crois fermement», a déclaré Xiomara Castro.

Xiomara Castro a également pris la parole au cours de cette manifestation de résistance pacifique pour exprimer sa solidarité envers le peuple hondurien et les familles des victimes du régime putschiste qui s’est emparé du pouvoir à la suite du coup d’Etat.

Elle a appelé la population à poursuivre le combat, à ne pas céder à la peur. «Ce que nous faisons actuellement est juste. Nous devons continuer de nous exprimer parce que nous sommes tous égaux face à ce groupuscule qui s’est imposé par la force», a-t-elle lancé.

«Je tiens, a-t-elle poursuivi, à exprimer ma solidarité avec les personnes qui, d’une façon ou d’une autre, ont été outragées par la brutalité dont l’armée a fait preuve. Je pense aussi aux familles qui ont perdu un des leurs, qui ont vu leurs enfants assassinés non pas parce qu’ils étaient des délinquants mais parce qu’ils luttaient pour exiger le rétablissement de l’ordre constitutionnel et de la démocratie dans leur pays.»

Elle a souligné que ces exemples de courage doivent nous donner encore plus de raison de lutter: «Ce sang ne doit surtout pas avoir été versé en vain, il faut qu’il y ait un sens à ces sacrifices. Ces exemples doivent nous aider à retrouver la démocratie et la paix dans notre pays, et à faire en sorte que la population recouvre tous ses droits.»

Par ailleurs, Xiomara Castro de Zelaya s’est engagée, à partir de ce jour, à se consacrer entièrement «au combat pour la paix, pour que les gens puissent être consultés et s’exprimer».

L’épouse du président constitutionnel du Honduras était entrée dans la clandestinité pour des raisons de sécurité évidentes. Mais lundi, elle a décidé d’effectuer un retour à la vie publique. Le lendemain, devant la foule rassemblée pour réclamer le retour de son époux, Xiomara a affirmé qu’elle n’acceptait plus de se cacher pour se protéger, «alors que tant d’hommes et de femmes osent affronter la dictature et risquent leur vie pour cette cause. (…) Je ne peux demeurer plus longtemps silencieuse, d’autant plus que je crois en notre combat».

«Le président Zelaya a entrepris de lutter, mais ce combat désormais ne lui appartient plus, il appartient à notre peuple. Et je ne parle pas de ce peuple où l’on voit des femmes tout droit sorties des salons de coiffure et portant des lunettes de soleil griffées. Non, je parle de ce peuple que j’ai devant moi, le vrai. Je parle de cette majorité formée, entre autres, de paysans et de travailleurs», a-t-elle lancé.

Elle a aussi dénoncé les putschistes pour avoir suspendu les droits constitutionnels pour tous les citoyens, les droits de l’Homme, les droits à la justice : «Aujourd’hui, personne ne sent à l’abri des putschistes. Ils peuvent entrer dans nos maisons sans autre avis; ils peuvent tuer, ils peuvent nous arrêter. C’est pour cela que nous devons continuer de les dénoncer.»

Xiomara Castro en a profité pour fustiger le silence des médias au Honduras. «Les putschistes affirment que la liberté d’expression existe bel et bien, alors qu’ils continuent de réprimer la population et les journalistes», a-t-elle souligné.

La veille, l’épouse de Zelaya avait participé à une réunion rassemblant des dirigeants des centrales syndicales, des paysans, des étudiants et d’autres militants de différents secteurs de la population. Tous se sont engagés à redoubler d’efforts, au cours des prochains jours, en manifestant de façon pacifique pour exiger le retour de l’ordre constitutionnel dans leur pays.

(SE)

mardi 7 juillet 2009

LE HONDURAS ET LE DOUBLE LANGAGE DES ÉTATS-UNIS

La Havane. 7 Juillet 2009
Granma internacional
Hugo Morliz Mercado

EN attendant que le président du Honduras, Manuel Zelaya, revienne à Tegucigalpa, avec tous les pouvoirs que lui confère la Constitution de ce pays d’Amérique centrale, il faudra se méfier de la politique du «double langage». Nous avons trop connu, dans cette terre de Notre Amérique, les habiles manœuvres diplomatiques de la Maison Blanche et les efforts déployés par ses services secrets pour créer la confusion et finalement imposer sa vision des faits.
« La politique du double langage » a été mise au point par les Etats-Unis dans les années 1980 pour contrer la Révolution sandiniste. Les deux tactiques d’une même stratégie (vaincre le sandinisme) consistaient, d’une part, à mener la guerre contre le gouvernement sandiniste, en prenant pour base arrière le Honduras, et, d’autre part, à encourager le dialogue demandé par les forces opposées à la fois l’intervention militaire et au gouvernement présidé par Daniel Ortega. L’organisation des Contras et leur financement tout comme les propositions de dialogue ont servi, ensemble, à venir à bout du gouvernement révolutionnaire. En 1989, le FSLN perdait le pouvoir qu’il avait conquis par les armes dix ans plus tôt.
On pourrait penser qu’avec le temps, cette stratégie a perdu sa raison d’être et qu’elle n’était justifiée que par l’époque de la Guerre froide que nous traversions alors. Or, les événements qui se sont produits, il y a quelques années, en Haïti, prouvent le contraire et mettent à nu la double morale de la bourgeoisie impériale. Ainsi, le 29 février 2004, un coup d’Etat est venu mettre un terme au gouvernement du président Jean Bertrand Aristide. Les Etats-Unis et l’OEA ont aussitôt condamné sévèrement la subversion de l’ordre démocratique dans ce pays. Puis une lettre de démission du président haïtien fut rendue publique sans que ne soit confirmée son authenticité. Petit à petit, ceux qui, encouragés dans un premier temps par la prise de position des Etats-Unis, attendaient le retour de Jean Bertrand Aristide à Port-au-Prince, commencèrent à déchanter. Plus le temps passait, plus on se rendait compte que l’empire manoeuvrait en coulisses pour ouvrir une période de transition où auraient également leur place les forces d’opposition.
Les déclarations qu’a faites la secrétaire d’Etat Hillary Clinton, dans l’après-midi du 28 juin dernier, paraissent confirmer cette stratégie du double jeu. «Lorsque je dis appuyer le travail de l’OEA, je veux dire qu’il faut travailler avec toutes les forces en présence au Honduras, afin que tous les partis impliqués marquent une pause et examinent comment leurs institutions démocratiques devraient fonctionner», a-t-elle affirmé en substance. Que devons-nous comprendre lorsque Clinton dit : «Il faut savoir que pour maintenir la démocratie, il faut y mettre le prix. Nous ne voulons pas faire marche arrière et nous voulons que tous les partis jouent un rôle en ce sens et soient responsables»? Nous souhaitons que cette exhortation à ne pas «faire marche arrière» ne signifie pas le cautionnement de la destitution de Zelaya. Ce dernier, comme on sait, ne jouit pas de l’appui des partis au Congrès national du Honduras, n i même du Parti libéral avec lequel il a remporté les élections de 2005, parce qu’il a pris parti en faveur de l’Amérique latine. Espérons que cet appel de Clinton ne veut pas dire non plus qu’il convient de tout effacer et de repartir à zéro, de telle sorte que les responsables du coup d’Etat – le premier à survenir depuis l’élection du gouvernement Obama – ne soient pas traduits en justice ni condamnés.
Ni Dan Restrepo ni Clinton n’ont condamné l’enlèvement de Zelaya et le coup d’Etat en des termes attendus d’une administration qui prétend vouloir reconstruire ses liens avec l’Amérique latine. On ne peut qu’être surpris d’entendre la vice-présidente du Congrès hondurien, Marcia Villeda, déclarer à CNN que pendant toute la semaine, ils ont cherché une solution qui permettrait d’éviter la consultation populaire proposée par Zelaya. Elle est même allée jusqu’à déclarer que l’ambassadeur des Etats-Unis, Hugo Lorens, avait participé à ces discussions.
On peut faire plusieurs lectures des événements en cours au Honduras. Selon la chercheuse Eva Golinger, on doit y voir la main du Pentagone et de la CIA. Quoi qu’il en soit, on ne peut que s’interroger sur les informations dont disposait réellement l’administration Obama avant et pendant le coup d’Etat militaire, et il est sans doute exagéré d’affirmer que le coup d’Etat a été déclenché pour obtenir le départ des militaires étasuniens de leurs bases du Honduras.
Dans la première moitié du XXe, les compagnies étasuniennes comme la United Fruit et la Rosario Minning contrôlaient presque 100% des exportations de bananes et de minerais divers. Par ailleurs, les Etats-Unis possèdent une base militaire à Soto Cano, à 97 kilomètres de la capitale. Les militaires honduriens, c’est bien connu, ne font rien sans le consentement de leurs homologues étasuniens. Il est donc peu probable que les militaires honduriens aient décidé de se lancer dans une telle aventure sans l’accord des hautes instances militaires des Etats-Unis et sans que les services d’intelligence, qui sont très actifs dans ce pays, aient été mis au courant.
Ce dont on ne peut douter, cependant, c’est que la Maison Blanche allait modifier sa position en fonction des réactions aussi bien au Honduras que sur la scène internationale. Elle a donc condamné fermement le coup d’Etat perpétré lâchement par la bourgeoisie de ce pays - même si cette bourgeoisie nourrit des liens très étroits avec les compagnies nord-américaines -, et avec la complicité des grands médias qui ont préféré garder le silence sur cet acte contraire à la démocratie et à la légitimité d’un gouvernement élu. Au tout début, Obama, par la voix de Dan Retsrepo, a exprimé sa préoccupation (il n’a pas parlé de condamnation) pour les événements en cours au Honduras. Il a exhorté la population de ce pays à «résoudre ses problèmes sans aucune ingérence extérieure ». En fin d’après-midi, le conseiller de l’administration démocratique pour l’Amérique latine a réitéré, à quelques nuances près, les mêmes propos officiels.
Les Etats-Unis se sont finalement rangés du côté des pays qui condamnent le coup d’Etat, en premier lieu les pays membres de l’ALBA-TCP. Il ne pouvait en être autrement car le prix à payer aurait été fort élevé. Mais cela ne signifie pas, loin de là, que la bourgeoisie impériale ne va pas reprendre sa politique de «double langage». Si elle renonçait à ses politiques subversives et à ses manœuvres de contre-insurrection, elle agirait, par le fait même, contre sa propre nature.
Heureusement, notre Amérique n’est pas celle des années 1970. La rapide réaction des gouvernements progressistes et révolutionnaires a été, malgré le comportement des grands groupes de presse transnationaux, décisive pour éviter la consolidation du régime de facto. Pour le reste, quant à parler de médias, Télésur a prouvé, si besoin était, que la décision de créer cette chaîne multinationale était des plus judicieuses.
Pour que le Honduras d’aujourd’hui ne devienne pas le Nicaragua des années 1980 ou le Haïti de 2004, il est plus que jamais nécessaire que les peuples et les gouvernements de Notre Amérique augmentent leurs pressions et demeurent vigilants face aux manœuvres éventuelles des Etats-Unis. Le Honduras peut être un nouveau ballon d’essai. (Extrait de Rebellion) •

jeudi 2 juillet 2009

C U B A
La Havane. 29 Juin 2009
RÉFLEXIONS DE FIDEL
UNE ERREUR SUICIDAIRE

J’ai écrit voilà trois jours dans mes Réflexions du jeudi 25 au soir : « Nous ignorons ce qu’il se passera cette nuit ou demain au Honduras, mais la conduite courageuse de Zelaya passera à l’Histoire. »
J’avais aussi écrit deux paragraphes plus haut : « Ce qu’il se passe dans ce pays sera un test pour l’OEA et pour l’administration étasunienne. »
L’antédiluvienne institution interaméricaine, qui s’était réunie le lendemain à Washington, avait promis dans une résolution en demi-teinte et tiède de faire aussitôt les démarches pertinentes pour chercher une harmonie entre les parties en conflit. Autrement dit une négociation entre les putschistes et le président constitutionnel du Honduras.
Le haut gradé, qui restait à la tête des forces armées honduriennes, se prononçait publiquement contre les positions du président, dont il ne reconnaissait l’autorité que du bout des lèvres.
Les putschistes n’attendaient pas autre chose de l’OEA. Peu leur importait la présence d’un grand nombre d’observateurs internationaux qui étaient arrivés dans le pays pour attester d’une consultation populaire et avec lesquels le président Zelaya s’était entretenu jusque tard dans la nuit. Ce matin, au petit jour, ils ont lancé contre la résidence du président environ deux cents soldats de métier bien entraînés et armés qui, écartant rudement l’escouade de la garde d’honneur, ont séquestré Zelaya, qui dormait alors, l’ont conduit à la base aérienne, l’ont fait monter de force dans un avion et l’ont déposé sur un aéroport costaricien.
C’est à huit heures et demie du matin que nous avons appris par TeleSur cet assaut contre la maison présidentielle et l’enlèvement. Le président n’a pas pu assister au lancement de la consultation populaire qui devait se dérouler ce dimanche-ci. On ignorait encore son sort.
La télévision officielle a été interrompue. Les putschistes souhaitaient empêcher une divulgation prématurée de leur trahison à travers TeleSur et CubaVision Internacional, qui informaient des faits. Aussi ont-ils suspendu les centres de retransmission et fini par couper le courant dans tout le pays. Le Congrès et les hauts tribunaux, impliqués dans la conspiration, n’avaient pas encore publié les décisions qui la justifiaient. Ils ont d’abord fait leur coup d’Etat inqualifiable, puis l’ont légalisé.
Le peuple s’est réveillé, a constaté ce fait acquis et a commencé à réagir avec indignation. On ignorait toujours le sort de Zelaya. Trois heures après, la réaction populaire était telle qu’on a vu des femmes frapper du poing des soldats dont les fusils leur tombaient presque des mains tant ils étaient désarçonnés et nerveux. Au départ, on aurait dit qu’ils livraient un étrange combat contre des fantômes ; plus tard, ils ont tenté de bloquer de leurs mains les objectifs des caméras de TeleSur, ils visaient, tremblant, les reporters et quand les gens avançaient, ils reculaient parfois. Les putschistes ont envoyé des transports blindés armés de canons et de mitrailleuses.
La population discutait sans peur avec les occupants des blindés. Etonnante réaction populaire !
Vers deux heures de l’après-midi, en coordination avec les putschistes, une majorité domestiquée du Congrès a déposé Zelaya, le président constitutionnel, et nommé un nouveau chef d’Etat, affirmant au monde, après avoir présenté une signature falsifiée, qu’il avait démissionné. Quelques minutes après, depuis un aéroport costaricien, Zelaya a informé de ce qu’il se passait et a démenti catégoriquement avoir démissionné. Les conspirateurs se couvraient de ridicule aux yeux du monde.
Bien d’autres choses se sont déroulées aujourd’hui. CubaVision s’est consacrée presque toute entière à démasquer le putsch, informant tout le temps notre population.
Certains faits ont revêtu un caractère nettement fasciste. Bien que prévisibles, ils ne cessent d’étonner.
La cible fondamentale des putschistes a été, après Zelaya, Patricia Rodas, la ministre hondurienne des Affaires étrangères. Ils ont dépêché un autre détachement chez elle. Courageuse et résolue, elle a agi vite et n’a pas perdu une minute pour dénoncer le putsch par tous les moyens. Notre ambassadeur, Juan Carlos Hernandez, était entré en contact avec elle pour s’informer de la situation, comme l’ont fait d’autres ambassadeurs. A un moment donné, elle a demandé aux représentants diplomatiques du Venezuela, du Nicaragua et de Cuba de la rejoindre, car, férocement harcelée, elle avait besoin d’une protection diplomatique. Notre ambassadeur, qui avait été autorisé dès le premier instant à offrir le plus grand appui possible à la ministre constitutionnelle et légale, s’est alors rendu chez elle.
Alors que les ambassadeurs étaient déjà avec elle, le commandement putschiste envoie le commandant Oceguera l’arrêter. Les ambassadeurs forment un écran devant elle et informent le militaire qu’elle se trouve sous protection diplomatique et qu’elle ne se déplacera qu’en leur compagnie. Oceguera discute avec eux respectueusement. Quelques minutes après, de douze à quinze hommes en battle-dress et encagoulés pénètrent dans la résidence. Les trois ambassadeurs font alors bloc autour de Patricia ; les encagoulés agissent brutalement et parviennent à séparer les ambassadeurs vénézuélien et nicaraguayen, mais le nôtre, Hernandez, est accroché si fort à son bras que les encagoulés les traînent tous les deux jusqu'à une fourgonnette, les conduisent jusqu’à la base aérienne, parviennent à les séparer et emmènent Patricia. Alors que notre ambassadeur est arrêté, Bruno Parrilla, notre ministre des Relations extérieures, qui a eu des nouvelles de l’enlèvement, parvient à l’avoir sur son portable, mais un des encagoulés tente brutalement de le lui arracher. Notre ambassadeur, qui avait déjà reçu des coups chez Patricia, lui crie : « Ne me bouscule pas, cojones ! » Je ne me rappelle pas si Cervantès a déjà utilisé ce mot, mais notre ambassadeur Juan Carlos Hernandez a sûrement enrichi notre langue.
Après, les encagoulés l’ont abandonné sur une route, loin de l’ambassade, et l’ont averti avant de le libérer que s’il parlait, il risquait de lui arriver quelque chose de pire. « Rien n’est pire que la mort ! », leur a-t-il rétorqué dignement, « et pourtant vous ne me faites pas peur. » Les habitants de l’endroit l’ont aidé à regagner l’ambassade d’où il est aussitôt entré de nouveau en contact avec Bruno.
On ne peut négocier avec les hauts gradés putschistes. Il faut exiger leur démission, et que des officiers plus jeunes et non compromis avec l’oligarchie se substituent à eux. Sinon, il n’y aura jamais de gouvernement « du peuple, par le peuple et pour le peuple » au Honduras.
Les putschistes, acculés et isolés, n’ont aucune échappatoire possible si on leur fait face avec fermeté.

Jusqu’à Mme Clinton qui a déclaré dans l’après-midi que Zelaya était le seul président hondurien. Et les putschistes, sans l’appui des Etats-Unis, n’osent même pas respirer.
Encore en pyjama voilà quelques heures, Zelaya sera reconnu par le monde entier comme le seul président constitutionnel du Honduras.
Fidel Castro Ruz
28 juin 2009
18 h 14

mercredi 1 juillet 2009

Coup d’Etat au Honduras
Pôle de la Renaissance communiste en France

Le jeudi 24 juin 2009, l’alliance des pays progressistes latinos-américains, l’ALBA (Alternative bolivarienne pour les Amériques), s’est réunie à l’occasion de l’entrée officielle de l’Équateur de Rafael Correa, portant à 9 le nombre de membres de l’alliance.
Le même soir, le chef de l’armée de terre du Honduras, pays-membre de l’ALBA, défie le gouvernement de son pays et son président, Manuel Zelaya en le menaçant d’un putsch militaire, soutenu par l’ensemble des forces de droite, les dirigeants de l’église catholique, ceux des églises évangéliques, l’oligarchie locale, les médias privés et le patronat ainsi que les chefs des autres corps d’armée.
Entre temps l’ambassadeur américain a quitté le pays, sous prétexte de guerre civile (non commencée, en fait), tentant de provoquer la panique auprès des autres représentants internationaux à faire de même.
Il était prévu d’organiser une consultation populaire ce dimanche 28 portant sur une modification de la Constitution qui engagerait le Honduras sur la voie progressiste suivie par de plus en plus de pays d’Amérique latine.
République bananière soumise pendant des décennies aux diktats de la United Fruit Company, le Honduras a été dans les années 80 utilisé comme base arrière étasunienne pour soutenir la contre-révolution au Nicaragua et entretenir des guerres sales en Amérique centrale qui ont ravagé la région, notamment au Salvador.
Lorsqu’en août 2008, contre toute attente le président Manuel Zelaya, à peine élu, décide d’incorporer le Honduras à l’ALBA, il s’oppose frontalement aux visées hégémoniques étasuniennes sur le sous-continent américain et aux forces rétrogrades dans son propre pays. En effet, l’ALBA est un projet d’intégration continentale de libération qui favorise l’unité des peuples en plaçant la souveraineté des peuples, leur libre coopération et la lutte contre la pauvreté et les injustices sociales au centre des préoccupations.
Le Honduras s’apprêtait ainsi à construire un projet politique alternatif tournant le dos au néolibéralisme, et mettant en place des réformes démocratiques structurelles, d’où le projet de changement constitutionnel qui devait être soumis ce dimanche 28 juin à la population.
L’attaque du pays le plus faible et le plus fragilisé de l’ALBA, le jour même de l’intégration de l’Équateur dans l’alliance (ce qui fait basculer le rapport de force en Amérique latine en défaveur des intérêts étasuniens) ne peut être un hasard.
Le putsch n’aurait pu se passer sans l’aide des services spéciaux des USA. L’armée hondurienne est liée au Commandement Sud de l’armée américaine dont les conseillers militaires jouent un rôle essentiel. Le principal aéroport militaire US de la région se trouve sur le sol hondurien, et ce en toute illégalité puisqu’ aucun accord officiel n’a été signé entre les deux pays.
La tradition étasunienne du putsch militaire pour renverser un gouvernement qui s’oppose à leurs intérêts est bien connue des peuples latinos. Derrière le souriant visage d’Obama, apparaît une fois de plus le visage grimaçant de « Tio Caiman », l’Oncle Sam, symbole du cruel impérialisme états-unien !
Le PRCF appelle les démocrates de France à dénoncer le coup d’Etat yankee et à se solidariser de toutes les manières possibles avec le peuple hondurien et avec tous les peuples de l’ALBA.
Plusieurs manifestations se sont produites:http://www.initiative-communiste.fr/wordpress/?cat=21
Action urgente Honduras - dans le cadre du coup d'État militaire :
Mandat d'arrêt des putchistes contre les principaux dirigeants populaires

Voici le communiqué urgent diffusé par l'Association américaine de juristes (AAJ) du Costa Rica et retransmis par William Sloan, président de l'AAJ du Québec. Notre traduction en français et l'original en espagnol sont reproduits ci-dessous.

Nous vous demandons instamment :

1) de diffuser ce texte qui montre la gravité de la situation; et

2) de participer, aujourd'hui, à la Seconde manifestation contre le coup d'État au Honduras, qui aura lieu de 5 à 7 cet après-midi, à la place Phillips, rue Ste-Catherine, Montréal (devant le magasin La Baie, près du métro McGill), pour exiger le retour sans condition du président constitutionnel élu du Honduras, Manuel Zelaya.

Ce coup d'État est une menace très grave à la démocratie au Honduras, en Amérique latine et dans le monde.

ALERTE, ALERTE, ALERTE

Je vous informe qu'il y a une heure, la Cour suprême de justice du Honduras a émis un mandat d'arrêt contre les principaux dirigeants populaires tels que Rafael Alegria, Carlos H. Reyes, Berta Oliva, Andrés Pavón, Juan Barahona, entre autres (puisqu'ils sont 25 en tout) et a indiqué que ces personnes seront l'objet d'enquêtes et de poursuites.
La raison est qu'il ont été à la tête de cette défense de notre démocratie.

Nous appelons l'ensemble du mouvement populaire international à criminaliser la Cour suprême, qui a été mis sous le contrôle des puissants groupes de ce pays.
Wendy Cruz