lundi 23 mai 2011

DES CONGRÈS SYNDICAUX POUR RÉSISTER AU VENT DE DROITE

Par Robert Luxley


À son congrès tenu la deuxième semaine de mai, le Congrès du Travail du Canada, auquel est affiliée la FTQ, a adopté un plan de travail et de mobilisation de son membership et de la société civile pour vaincre le programme de la droite au Canada. Le CTC considère que l’élection d’un gouvernement conservateur d’ultra-droite majoritaire le 2 mai dernier constitue une grave menace pour les services publics, notamment dans la santé et les services sociaux, pour les régimes de pension tant publics que privées du Canada, ainsi que pour la paix dans les relations internationales.

Le Congrès du travail du Canada (CTC) et son Comité national de campagne (CNC) travaillera donc en collaboration avec ses organisations affiliées, à travers les fédérations du travail et les conseils du travail, à créer une dynamique en mobilisant ses membres et ses alliés dans les communautés, par l'éducation, dans des manifestations publiques et dans l'action directe le cas échéant, à l'encontre du programme de la droite.

Il souhaite construire une opposition efficace et large au programme de la droite. À son 27e Congrès, prévue en 2014, il sera présenté un plan politique pour défaire le gouvernement conservateur et élire un gouvernement fédéral du NPD.

Le CTC prévoit créer une forte opposition de principe à la fois au sein du mouvement syndical et de ses alliés en coalition, et qui pourra anticiper et contrecarrer les initiatives législatives du gouvernement avec une série d'actions ciblées et spécifiques. Il travaillera aussi à développer une stratégie parlementaire pour le lobbying et le travail en comité parlementaire.

Le CTC entend travailler avec ses affiliés à engager des ressources pour coordonner des campagnes politiques en appui direct ou indirect à des partis progressistes et à leurs candidats dans les élections provinciales et municipales au cours des trois prochaines années. Il entend utiliser ces élections comme un moyen de tester et d’adapter ses stratégies en vue de la prochaine élection fédérale prévue le 19 octobre 2015.

Le CTC veut aussi avec ses affiliés construire un mouvement ouvrier fort et progressiste pour lutter contre le programme de droite que les compagnies et la haute finance veulent imposer au pays. Il s'agira notamment de se livrer à des campagnes de mobilisation des membres, de sensibilisation du public et d’actions directes, basées sur des questions touchant spécifiquement les affiliés ainsi que sur les grandes questions politiques du jour afin de gagner le soutien de la population travailleuse.

Le CTC veut renforcer les coalitions et travailler à renforcer les relations avec les partenaires de la société civile afin d'élargir la base de son travail de campagne. Il essaiera de trouver des façons d'aider la société civile et ses partenaires de coalition pour améliorer leur capacité et les ressources, et associer leurs travaux aux activités des conseils du travail dans les collectivités.

La semaine suivante, du 15 au 20 mai, le congrès de la CSN qui se tenait à Montréal, adoptait lui aussi une série de propositions visant à lutter contre le programme de la droite, de réduire les inégalités et en faveur d’un développement économique durable. Le congrès était aussi amené à réfléchir sur l’action syndicale alors que les syndicats sont l’objet de furieuses attaques de la part de la droite par les temps qui courent.

Le congrès avait débuté alors que l’ADQ se réunissait pour adopter des mesures d’extrême- droite contre les syndiqués dans l’éventualité où il prendrait le pouvoir, notamment visant à interdire à leurs syndicats de se préoccuper de questions politiques et limiter leur action strictement aux relations de travail.

L’un des moments forts du congrès fut lorsque Madame Stephanie Bloomingdale, secrétaire-trésorière de l’AFL-CIO du Wisconsin prit la parole. Elle livra un vibrant témoignage de la lutte contre la loi adoptée par le gouverneur républicain de cet État, Scott Walker, lequel est lié au mouvement d’extrême-droite Tea Party, et qui interdit dorénavant aux travailleuses et aux travailleurs du secteur public de l’État de négocier collectivement leurs conditions de travail et leurs avantages sociaux.

Loin de se laisser intimider par les menaces anti-ouvrières de Gérard Deltell de l’ADQ, le congrès a adopté les propositions suivantes :

A. Que la CSN propose aux autres organisations syndicales québécoises et canadiennes ainsi qu’aux groupes de défense des non-syndiqué-es une offensive concertée pour promouvoir le travail décent, la pertinence du syndicalisme et le droit à la syndicalisation au Québec et au Canada, notamment pour les travailleuses et les travailleurs les plus vulnérables et les moins organisés.

B. Que la CSN organise un événement sur le syndicalisme, ses défis et les enjeux de son renouvellement notamment la relève syndicale représentative de ses membres et, si possible, qu’elle le fasse en collaboration avec ses partenaires syndicaux québécois en impliquant particulièrement les jeunes.

C. Que la CSN fasse la promotion d’une journée annuelle de la militance syndicale et que cette journée soit, entre autres, l’occasion de faire connaître à la population le rôle et les responsabilités des militantes et militants syndicaux et de valoriser les gains et les retombées de l’action syndicale en rappelant, par exemple, les luttes qui ont mené à l’édification de notre filet de sécurité sociale.

D. Que la CSN ouvre un chantier de réflexion sur la répartition de la richesse dans le monde du travail et développe des stratégies syndicales de négociation pour améliorer les conditions salariales des travailleuses et des travailleurs.

E. Que la CSN actualise son programme et ses outils de formation à l’intention des militantes et des militants de ses organisations affiliées afin de s’assurer que l’ensemble des contenus réponde aux besoins et à la conjoncture politique en introduisant un volet sociopolitique à tous les parcours actuels et futurs. De plus, que cette actualisation favorise l’utilisation de l’approche intégrée de l’égalité (AIE) et que l’utilisation des nouvelles technologies et des médias sociaux soit considérée.

F. Que la CSN poursuive son action politique pour une plus grande justice sociale et utilise toutes les tribunes et les moyens à sa disposition.

Pour finir le congrès a adopté la nouvelle proposition suivante :

Que la CSN développe un plan de mobilisation et d’action incluant la possibilité de tenir une grève générale et sociale avec nos alliés et visant à protester contre les mesures rétrogrades gouvernementales (incluses dans les derniers budgets de mars 2010 et mars 2011) adoptées à l’Assemblée nationale.

Aussitôt qu’elle fut lue au micro par son proposeur, presque tous les délégués-es se sont levés pour applaudir. La proposition a reçue l’appui de membres de l’exécutif de la centrale ainsi que de dirigeants de conseil centraux et de fédérations et fut adoptée presqu’à l’unanimité.

La droite n’a qu’à bien se tenir, le mouvement ouvrier ne se laissera pas faire.

dimanche 8 mai 2011

QUELLES SONT LES DIFFÉRENCES ENTRE LE NPD ET LES COMMUNISTES?

Au cours de la campagne électorale, plusieurs électeurs-trices ont souvent posées des questions sur les différences qui existent entre le Parti communiste et le NPD. Compte tenu du système électoral canadien uninominal à un tour, qui est très injuste, ne permettant pas une représentation adéquate de la volonté populaire, et du danger immédiat que représentait l’élection des conservateurs d'extrême-droite d’Harper - la question n'était pas oiseuse.

Commentaire de Kimball Cariou, rédacteur en chef du journal People's Voice et candidat dans Vancouver-Kingsway.

La meilleure réponse est sans doute de comparer les plates-formes du NPD et du Parti communiste. Bien qu'il existe des similitudes (les deux partis favorisent par exemple une augmentation des dépenses consacrées aux programmes sociaux) sur d'autres questions critiques, il existe de grandes différences.


Certaines politiques ne sont même pas sur le pilote du NPD, telle la proposition communiste en faveur de la propriété publique des ressources naturelles, de l'industrie de l'énergie, et des grandes banques. Sur une échelle plus large, le Parti communiste appelle à une économie socialiste, tandis que le NPD se limite à des mesures visant à améliorer la vie de la «classe moyenne» - un terme qui évite de faire référence à la classe ouvrière, qui comprend la grande majorité de la population.

Mais peut-être que la "ligne de démarcation" la plus claire entre les deux partis en ce moment dangereux de notre histoire concerne la politique étrangère.

La plate-forme du Parti communiste appelle explicitement à un retrait immédiat de la mission militaire canadienne en Afghanistan, dit non à la guerre contre la Libye, appelle à l'annulation de l'achat des avions de chasse F-35, à une réduction de 75% des dépenses militaires, et s’oppose aux politiques d'apartheid de l'État israélien imposé au peuple palestinien.

Si on jette un œil sur la plateforme du NPD et sur ses récentes déclarations, on voit une image très différente. Le chef du NPD, Jack Layton, a promis de maintenir les dépenses militaires du Canada, maintenant rendues à plus de 21 milliards de dollars par année. Cela se reflète dans la plateforme du NPD, qui voudrait « maintenir les niveaux actuellement prévus en terme d'engagements de dépenses pour la Défense. » Ainsi, le NPD appuie dans les faits l'augmentation monumentale des dépenses militaires qu’Harper projette dans son document « Le Canada d'abord », concernant sa politique pour la Défense.

Pourquoi? Selon la plate-forme du NPD, pour «donner ... le meilleur équipement pour faire le travail ...» et «s'assurer que les Forces canadiennes sont bien équipées .... ».

Dans cette perspective, le NPD préconise quelques changements dans le calendrier des achats militaires. En particulier, ils appellent à dépenser plutôt sur de nouveaux navires de guerre, tout en s'engageant à «réexaminer» (et non annuler) l’achat de plusieurs milliards de dollars des avions F-35. Mais rien dans la plate-forme du NPD ne suggère de réexaminer le principe de base de la politique militaire du Canada, qui depuis les années 1990 a transformé les Forces armées canadiennes en élément prêt au combat pour l’alliance militaire dominée par les Etats-Unis qu’est l’OTAN.

Compte tenu du contexte de militarisme mondial, les phrases de la plateforme du NPD à l’effet d’impliquer l'armée dans la «consolidation et le maintien de la paix » sonnent creux. Depuis que l'impérialisme américain et ses alliés les plus proches déterminent l'ordre du jour militaire mondial, même le bain de sang qu’est la guerre en Irak a été défini comme une mission de «maintien de la paix.»

Personne ne devrait être trop surpris de cette évolution. Après tout, sous le «nouveau» gouvernement travailliste de Tony Blair, la Grande-Bretagne a été l'allié le plus fiable de l'impérialisme américain. Il est vrai que le NPD a adopté une approche un peu différente à l’époque, comme sur la guerre en Irak et l'occupation de l'Afghanistan. Toutefois, le NPD a voté en faveur de la mission militaire canadienne quand elle a commencé en octobre 2001, puis en 2008 il a voté avec les Conservateurs contre une résolution du Parti libéral pour mettre fin à la mission de combat en 2009. (« Pas assez vite », expliquaient-ils.)

Ces dernières années, Jack Layton a maintes fois fait l'éloge des troupes canadiennes à Kandahar. Le programme électoral du NPD ne comporte pas de temps limite ou de mots tels que le retrait « immédiat » de l'Afghanistan. Au lieu de cela, le NPD propose seulement de «terminer l'implication de combat du Canada ... et de ramener nos troupes à la maison.» Cela laisse malheureusement une échappatoire pour des opérations militaires canadiennes en cours telles que la «formation» des troupes afghanes.

Une des explications de l’opportunisme du NPD est sa volonté de gagner des sièges dans des régions où les Forces armées canadiennes ont une forte présence, comme dans la région d’Halifax. Plus fondamentalement, le NPD est réticent à combattre les politiques militaristes agressives de Stephen Harper craignant les accusations selon lesquelles ils sont «mous contre le terrorisme» ou «antipatriotiques». (Vous rappelez-vous de l’absurde "Taliban Jack" en ligne d’Harper?)

Ce repli a affaibli le mouvement anti-guerre au Canada. Alors qu'une forte majorité de Canadiens continuent de s'opposer à la guerre en Afghanistan, l'étouffement des voix anti-guerre au Parlement fait en sorte qu’il est plus difficile de mobiliser cette majorité dans les rues. Seuls les Conservateurs de Stephen Harper ont bénéficié du fait que la guerre et la paix n’ait pas été une question-clé de la campagne électorale.

L'élection même d’un seul communiste aurait pu radicalement changer ce portrait. Tôt ou tard, les députés communistes seront de retour au Parlement, et l'opposition à la guerre et au militarisme sera entendue haut et fort dans les couloirs du pouvoir. Un vote pour un candidat communiste n’est pas gaspillé, c'est un vote pour se rapprocher de ce jour.