samedi 20 décembre 2008

Comment les médias noircissent l'image des syndicats

Titre original: Blame the Takers, Not the Makers
Mumia Abu-Jamal

Quand un ensemble de médias raconte la même histoire, de façon apparemment séparée, il crée une tendance qui se transforme rapidement en un courant d’opinion populaire – même quand cette histoire ne reflète à vrai dire que le point de vue d’une mince tranche de l’élite dirigeante.

8 décembre 2008
On l’a vu dans l’infâme couverture de la guerre en Irak, où les médias se sont unis pour appeler à une guerre fondée sur des mensonges. Plus récemment, ce sont les fabricants d’automobiles qui ont provoqué le dégoût politique avec leur zèle tout particulier contre les Travailleurs unis de l’automobile (UAW), décrits comme des « lambins » paresseux, payés beaucoup plus que ce qu’ils valent.
On remet rarement en question les primes des chefs d’entreprise ; en revanche, les femmes et les hommes sur la brèche sont pointés du doigt constamment et d’une façon injuste. C’est le résultat psychologique de décennies de guerre contre les travailleurs, qui trouve son origine au tournant du dernier siècle, quand la loi et l’opinion des corporations ont criminalisé les syndicats en les traitant de « menace rouge ».
Au cours de décennies d’amères luttes ouvrières, ces lois ont été annulées, mais les milieux d’affaires n’ont jamais vraiment accepté l’idée que les travailleurs ont des droits et ont attendu que les choses tournent à nouveau en leur faveur. Cela s’est produit avec l’élection de Ronald Reagan, qui, même s’il a fait campagne sous le thème de bien-être chez soi, « de petit matin tranquille en Amérique », s’est lancé dans une guerre étriquée contre les syndicats en cassant les contrôleurs aériens et en les mettant littéralement sous les verrous pour briser leur grève de 1981.
Depuis lors, quel que soit le parti qui a gagné les élections, il a toujours dorloté les milieux d’affaires et frappé le mouvement ouvrier.
Il suffit de penser au démocrate William J. Clinton qui a lutté en faveur du NAFTA (1) : cet accord, parce qu’il soutient les entreprises à la recherche de main-d’œuvre au-delà des frontières, a considérablement affaibli le mouvement syndical du pays.
N’est-ce pas une ironie que de constater à quel point les médias reflètent un tel penchant antisyndical alors que beaucoup de reporters de ces corporations (à tout le moins les employés de journaux) sont membres de la Guilde des journalistes ? Mais l’adhésion syndicale n’est pas déterminante : ce qui est déterminant, c’est à qui appartient la compagnie. Et les médias ne sont souvent qu’une petite partie d’un conglomérat corporatif beaucoup plus grand.
Quand l’UAW était fort, il renforçait la stature du mouvement ouvrier à travers tout le pays. Il a lutté longuement et âprement pour des salaires mérités et ne devrait pas être poursuivi pour cela.
Ce sont les travailleurs qui produisent les richesses, mais ce ne sont pas eux qui les empochent. Ce que devraient dire les médias, c’est pourquoi tous les travailleurs américains n’ont pas un salaire plus décent. C’est cela qui devrait faire la « une » des journaux.
Note: (1) NAFTA (en français ALÉNA), Accord de libre-échange nord-américain, signé par le Mexique (réserve de main-d’œuvre), le Canada (source de matières premières et d’énergie) et les États-Unis, dont le but est de placer ces trois pays sous le contrôle direct des multinationales en majorité nord-américaines, outrepassant souvent les lois nationales des pays concernés. L’ALÉNA est entré en vigueur le 1er janvier 1994.
Source : Information Clearinghouse
Traduction: Daniel Paquet pour Investig’Action

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