lundi 30 juin 2008

Mc Cain : "Je suis un criminel de guerre. J'ai bombardé des femmes et des enfants innocents." Mais...

Bill Van Auken

Le candidat républicain aux élections présidentielles, le sénateur John McCain d’Arizona, est régulièrement qualifié dans les médias américains de « héros de la guerre du Vietnam ». Au cours des derniers mois, son rival démocrate, le sénateur Barack Obama, a introduit sa critique des positions politiques de McCain en reconnaissant en lui un « véritable héros de guerre », « un homme qui a héroïquement servi son pays » et « un héros américain dont nous honorons les états de service militaire ».

23 juin 2008 Le jugement politique traditionnel pourrait associer une telle rhétorique à l’embellissement de leur candidat par les républicains ou à une tactique venant d’un candidat démocrate manquant d’expérience militaire, mais les mots ont une signification politique plus large et plus sinistre. Quelle est la source objective de la désignation de McCain comme « héros de guerre », titre qu'il a transformé en carrière politique couronnée de succès, soutenue par la fortune familiale de sa deuxième femme et encouragée par le promoteur corrompu de l'Arizona Charles Keating ?

McCain, fils et petit-fils d’amiraux à quatre étoiles, a été, durant presqu’une décennie, engagé dans une carrière plutôt anonyme de pilote de la marine, lorsqu’il a été abattu au-dessus du Vietnam du Nord en octobre 1967, ce qui l’a conduit durant les cinq années et demie suivantes dans un camp vietnamien pour prisonniers de guerre.

Avant que son appareil ne soit abattu, il avait fait environ 20 heures de vol en combat dans le ciel vietnamien, larguant des bombes hautement explosives sur les villes et les populations lors de courtes sorties à partir d’un porte-avion américain opérant dans la mer de Chine du Sud. Il s’était porté volontaire pour l’opération « Tonnerre roulant » ordonnée par l’administration démocrate du président Lyndon Johnson afin de briser la volonté du peuple vietnamien. Le but était de détruire l’économie et les infrastructures du pays et de tuer et blesser le plus grand nombre possible de ses citoyens. Avant la fin de la guerre, les avions de guerre américains avaient largué près de huit millions de tonnes d’explosifs – quatre fois plus que le nombre total de bombes largué durant toute la Seconde Guerre mondiale – dans un pays de la taille approximative de l’État du Nouveau-Mexique. Cette campagne de bombardement, la plus intense et la plus soutenue de l’histoire, a dévasté les villes du Vietnam et détruit son infrastructure industrielle ainsi que ses réseaux de transport et de communication. Avant la fin de la guerre, quelque cinq millions de Vietnamiens étaient tués, beaucoup d’entre eux victimes des bombardements américains.

Dans son livre Vietnam, le journaliste vétéran Stanley Karnow rapporte la description d’un bombardement par un paysan vietnamien : « Le bombardement a commencé vers huit heures du matin et a duré des heures. Lorsque nous avons entendu les explosions, nous nous sommes précipités dans les tunnels, mais beaucoup n’ont pas pu s’y rendre. Après que l’attaque se soit calmée, quelques-uns parmi nous sont allés voir ce que nous pouvions faire, et le spectacle était horrible. Les corps étaient déchiquetés, des membres pendaient des arbres et jonchaient le sol. Le bombardement reprit de nouveau, cette fois avec du napalm, et le village a pris feu. J’ai été touché par le napalm. J’avais l’impression que tout mon corps avait pris feu, comme un morceau de charbon. J’ai alors perdu connaissance. Des amis m’ont amené à l’hôpital et mes blessures n’ont commencé à guérir que six mois plus tard. Plus de 200 personnes sont mortes durant cette attaque, y compris ma mère, ma belle-sœur et trois neveux. Ils sont morts enterrés vivants lors de l’effondrement du tunnel. » La description qui est faite ici n’est pas un acte d’héroïsme, mais un crime de guerre de la nation la plus puissante du monde contre un pays pauvre et historiquement opprimé.

Lorsque l’avion de McCain fut abattu, il terminait un tel raid aérien contre une centrale énergétique située dans une zone densément peuplée de Hanoi. Que McCain ait survécu après s’être parachuté sur Hanoi témoigne de l’humanité du peuple vietnamien et cela ne fut possible que grâce à un travailleur vietnamien qui nagea jusqu’au pilote blessé qui avait atterri dans un lac, le transporta en sûreté avant qu’il ne se noie et le protégea d’une foule en furie. On peut seulement imaginer la réaction des gens si un pilote étranger, dont le pays n’avait jamais été attaqué, était parachuté sur Phoenix ou sur toute autre ville américaine après avoir mené des bombardements ayant déchiqueté hommes, femmes et enfants, et réduit en miettes les maisons.

Lors d’une entrevue en 1997 à l’émission « 60 minutes » du réseau CBS, McCain a franchement admis: « Je suis un criminel de guerre ; j’ai bombardé des femmes et des enfants innocents. » C’était une déclaration honnête, mais loin d’être un argument en faveur de sa présidence. Ses crimes de guerre ne découlent pas de ses seuls actes personnels, qui furent certes aussi dévastateurs que My Lai même s’il opérait d’une plus grande distance. Il s’agit plutôt du caractère objectif de la guerre elle-même. De nombreux éléments aux plus hauts échelons du gouvernement, de l’armée, des agences de renseignement et des deux principaux partis, tenaient clairement une bien plus grande part de responsabilité dans la guerre d’agression criminelle et contre-révolutionnaire au Vietnam.

L’élite dirigeante américaine tente depuis plus de trois décennies de réviser l’histoire de la guerre du Vietnam afin de masquer sa propre responsabilité dans les plus grands crimes de guerre commis depuis la chute des nazis et pour effacer de la mémoire politique toute trace de la défaite subie par l’impérialisme américain alors qu’il faisait face chez lui à une opposition de masse et à une explosion des luttes sociales. Surmonter le « syndrome du Vietnam » a été le but avoué de l’élite dirigeante depuis au moins la première administration Bush. Les gens dans l’élite dirigeante espéraient que la première Guerre du golfe Persique et ensuite l’invasion de l’Irak contribueraient, en quelque sorte, à balayer la répugnance populaire aux guerres d’agression américaines qui fut l’héritage de la guerre du Vietnam.

Malgré l’admission de McCain en 1997, sa glorification comme héros de guerre a constitué une grande partie de cet effort, et ses propres conceptions sur la guerre du Vietnam ont joué un rôle décisif dans ses prises de positions face à l’Irak et face à une nouvelle guerre potentielle contre l’Iran. Un article publié dans le New York Times dimanche, fondé sur un essai écrit par McCain en 1974 alors qu’il fréquentait le Collège de guerre nationale, approximativement une année après sa remise en liberté, donne un nouvel aperçu des leçons tirées par McCain de son expérience épuisante et formatrice au Vietnam.

Même si plusieurs officiers avaient conclu que les Etats-Unis n’auraient jamais dû envoyer des forces de combat au Vietnam, l’essai de McCain « mettait l’accent sur l’échec à gagner le soutien du public pour la bataille, » selon le Times. Il a critiqué les prisonniers de guerre qui « questionnaient la légalité de la guerre » comme étant « des avantages facilement accordés à la propagande communiste » et il a blâmé les « forces qui entraînent la division » aux Etats-Unis mêmes. Comme antidote, il proposait un endoctrinement des troupes américaines concernant les objectifs de la politique étrangère du gouvernement, tout en admettant qu’« un programme de cette nature pourrait être interprété comme un "lavage du cerveau" », ainsi qu’une tentative plus agressive par le gouvernement pour habituer le peuple américain à « quelques faits de base de sa politique étrangère ».

Évidemment, des millions d’Américains, dont plusieurs dans l’armée, « questionnaient la légalité de la guerre » parce qu’elle était en fait une guerre d’agression. De plus, les travailleurs américains n’étaient pas prêts à continuer à faire les frais de cette guerre, qui a tué environ 60 000 soldats et en a laissé des centaines de milliers physiquement et mentalement détruits. Au même moment, les gens de partout à travers le monde voyaient la guerre comme un crime et une honte morale. Un bon nombre de pilotes des forces aériennes et navales, cependant, avaient tiré des conclusions différentes sur la guerre.

Le plus important parmi eux était le général Curtis LeMay, l’ancien chef de l’armée de l’air, qui était irrité par toute restriction à la guerre aérienne contre les Vietnamiens et qui avait suggéré que les Etats-Unis « les bombardent pour les faire revenir à l’âge de pierre ». Ces éléments étaient très critiques de l’administration Johnson depuis le début de la campagne « Tonnerre qui gronde », croyant que les Etats-Unis devaient imposer un bombardement intensif et implacable des villes vietnamiennes. Ils firent l’éloge de Nixon pour le déploiement de bombardiers B-52 sur Hanoi lors des bombardements de Noël en 1972, atrocité qui n’a pas réussi à briser la volonté du peuple vietnamien et a ouvert la voie au retrait des forces américaines du pays.

McCain a décrit son passage au Collège de guerre nationale, là où il a écrit son essai, comme la période de sa vie qui a vu la « fondation de ses principes » sur la question de la guerre et de la politique étrangère. Sa conclusion essentielle était que les Etats-Unis auraient pu gagner la guerre du Vietnam s’ils avaient adopté une autre stratégie militaire et qu’ils n’avaient pas plié devant les « forces de division », parmi lesquelles il inclut le mouvement anti-guerre, les médias et le Parti démocrate. La réécriture de l’histoire du Vietnam par McCain est loin d’être unique. Elle fait partie d’une grande campagne idéologique qui dure depuis des dizaines d’années et qui a trouvé son expression dans des produits de la culture populaire comme les films de Rambo. Son but ultime est d’ouvrir la voie à de nouvelles guerres d’agression américaines comme celle de l’Irak (de laquelle McCain a dit qu’il ne voyait pas de problème à ce que des soldats américains y participent pendant cent ans) et l’Iran, où il a exprimé son point de vue en chantant « bombarder, bombarder, bombarder… bombarder, bombarder l’Iran » sur l’air d’une vieille chanson des Beach Boys. L’aide et l’impulsion qu’a données le Parti démocrate à cette campagne idéologique n’a pas commencé avec les éloges obséquieux de McCain en tant que « héros de guerre ». Pendant des dizaines d’années, le parti a été dominé par la crainte de voir la droite accuser son aile anti-guerre d’être responsable de la défaite de l’impérialisme américain.

Il vaut la peine de souligner que les républicains n’ont pas hésité au même moment à attaquer les réputations militaires de leurs rivaux. En 2004, lorsqu’ils ont formé les « vétérans pour la vérité » afin non seulement de dénoncer le président démocrate John Kerry pour s’être opposé à la guerre lorsqu’il est revenu du Vietnam, mais aussi pour jeter le doute sur l’existence même de la bataille pour laquelle Kerry a reçu la médaille Silver Star. Quant à Kerry et les démocrates, ils ont fait de leur mieux pour faire oublier la campagne contre la guerre qu’avait menée le candidat présidentiel plus de trente années auparavant, le présentant comme un « héros de guerre » qui a su « défendre son pays ».

L’effet de cette rhétorique, comme la reconnaissance continuelle du passé militaire de McCain aujourd’hui, a été d’aider à réhabiliter la guerre du Vietnam. Cette tentative de réhabilitation n’est pas fondée sur une nouvelle compréhension du passé, mais se base plutôt sur l’espoir que les souvenirs douloureux sont moins aigus et que la nouvelle génération est moins familière avec les terribles événements de cette guerre. Au bout du compte, ce révisionnisme historique que pratiquent tant les démocrates que les républicains est dicté par le consensus existant au sein de l’élite dirigeante, peu importe les désaccords sur la tactique à prendre pour mieux défendre ses intérêts en Irak. Ils s’entendent sur le fait que la défense de la position stratégique de l’impérialisme américain exigera de nouveaux crimes de guerre, encore plus terribles. Cela s’applique tout autant à Obama (qui a dit de l’Afghanistan que c’était « une guerre que nous devons gagner », proposé d’attaquer le Pakistan et appelé à une plus grande armée) qu’à John McCain. Dans un contexte où les travailleurs américains sont confrontés encore une fois à d’intenses luttes sociales au pays et à la guerre à l’étranger, il est crucial de défendre la véritable histoire de la défaite de l’impérialisme américain.

Source: Mondialisation.ca

samedi 21 juin 2008

L'ALLIANCE DES TRAVAILLEURS AGRICOLES EXIGE DES CONDITONS DE TRAVAIL JUSTES POUR LES TRAVAILLEURS MIGRANTS DANS TOUT LE CANADA

COMMUNIQUÉ DE PRESSE - Pour diffusion immédiate

INAUGURATION DU CENTRE S'APPUI AUX TRAVAILLEURS MIGRANTS À SAINT-RÉMI
Dimanche le 22 juin - De midi à 20 heures
(La cérémonie et la conférence de presse commenceront à 15 heures)
Alliance des travailleurs agricoles - 867 Notre-Dame, salle 201, Saint-Rémi (Québec)

Saint-Rémi - 22 juin 2008 - Cette fin de semaine, après 4 années de travail dans une camionnette de camping, l'Alliance des travailleurs agricoles inaugurera son Centre d'appui aux travailleurs migrants à Saint-Rémi. «Le problème avec la camionnette c'est que la ville nous forçait à changer de lieu de stationnement chaque jour et souvent les travailleurs ne savaient pas où nous trouver» déclare Andrea Galvez, coordinatrice du chapitre du Québec de l'Alliance des travailleurs agricoles. «Quelle bonne nouvelle!».

Financé par le syndicat des Travailleurs et travailleuses unis de l'alimentation et du commerce (TUAC Canada) le Centre d'appui aide surtout les travailleurs mexicains et guatémaltèques qui viennent au Québec dans le cadre du Programme canadien des travailleurs agricoles saisonniers (PCTAS). Ces travailleurs migrants vivent au Canada entre 6 et 8 mois par année pour y effectuer des travaux agricoles. Ils récoltent des laitues, des pommes de terre, des tomates, des brocolis et de nombreux autres types de légumes que l'on retrouve dans les marchés et dans nos assiettes dans tout le pays.

Au Canada, ces travailleurs font souvent face à des conditions de travail et de vie dangereuses et inéquitables, n'ayant pas les mêmes droits que les citoyens canadiens. «Le principal problème est que les employeurs ne respectent pas le contrat, qui établit que les travailleurs agricoles saisonniers ont les mêmes droits que les travailleurs du Québec» déclare Galvez. Le Centre d'appui a déjà fait ses preuves en tant que moyen d'appui crucial pour de nombreux travailleurs agricoles venus du Guatemala et du Mexique. Seulement au Québec, ils sont plus de 5 000.

Dimanche, le moment sera venu d'inaugurer le Centre d'appui et de nous souvenir de l'importante contribution de Patricia Pérez. En 2003, avec l'appui du syndicat des Travailleurs et travailleuses unis de l'alimentation et du commerce, Patricia a fondé le Centre d'appui. Elle est décédée l'année dernière. Nombreuses sont les personnes qui, ayant fréquenté le Centre, s'en souviennent avec beaucoup d'affection. Une centaine de personnes ont déjà confirmé leur présence à cet événement.

Pour de plus amples informations veuillez contacter :
Andrea Galvez : 514-917-6100
Anna Malla : 514-516-2793

(Des interprètes sur les lieux permettront des interviews personnelles en 3 langues)

vendredi 20 juin 2008

RÉFLEXIONS DU COMPAÑERO FIDEL

La fourmi et l’éléphant

Après la Table ronde télévisée du 12 juin qui a porté sur la nouvelle édition d’un ouvrage publié en Bolivie voilà quinze ans et préfacé maintenant par moi, et au cours de laquelle on a lu l’introduction rédigée postérieurement par le président Evo Morales et un message de la prestigieuse écrivaine argentine Stella Calloni, qui seront tous deux inclus dans une prochaine édition, on a peur de lasser la patience du lecteur en revenant sur ce thème.

J’ai choisi avec soin les données que j’ai introduites dans mon prologue.

Dans les premières années de la Révolution, on a vu se développer un puissant esprit internationaliste dont les racines remontaient au fort contingent de Cubains qui participa à la lutte antifasciste du peuple espagnol et aux meilleures traditions du mouvement ouvrier mondial.

Nous n’avons pas coutume de divulguer notre coopération avec d’autres peuples, bien qu’on ne puisse empêcher la presse d’en parler parfois. Cette coopération s’ancre dans des sentiments profonds qui n’ont rien à voir avec le goût de la publicité.

Certains se demandent comme un petit pays sans grandes ressources peut réaliser une tâche d’une telle ampleur dans des domaines aussi décisifs que l’éducation et la santé sans lesquels la société actuelle est inconcevable.

L’être humain a créé les biens et les services indispensables dès le moment où il a vécu en société, et celle-ci s’est développée depuis les formes les plus élémentaires jusqu’aux plus avancées au long de plusieurs milliers d’années.

L’exploitation de l’homme par l’homme – nous le savons tous ou du moins nous devrions tous le savoir – a été la compagne inséparable de cette évolution.

Les clivages dans la façon de saisir cette réalité ont toujours dépendu de la place que chacun occupe dans la société. Cette exploitation paraissait quelque chose de si naturel que l’immense majorité des gens n’en prit jamais conscience.

C’est alors que le capitalisme était en plein essor en Angleterre, un pays qui marchait à l’avant-garde avec les Etats-Unis et d’autres nations d’Europe dans un monde déjà dominé par le colonialisme et l’expansionnisme, qu’un grand penseur érudit en histoire et philosophie, Karl Marx, partant des idées des philosophes et économistes allemands et anglais les plus prestigieux de son époque, entre autres Hegel, Adam Smith et David Ricardo avec lesquels il était en désaccord, élabora, écrivit et publia finalement en 1859 ses idées sur les rapports de production et d’échange sous le capitalisme dans l’ouvrage intitulé Contribution à la critique de l’économie politique. Il continua de divulguer sa pensée dans le premier tome de l’œuvre maîtresse qui le rendit célèbre, Le Capital, en 1867. Tout le reste de ce gros ouvrage fut publié à partir de ses notes et annotations, par Engels qui partageait ses idées et qui, tel un prophète, divulgua toute son œuvre après sa mort survenue en 1883.

Ce que Marx publia de son vivant constitue l’analyse la plus sérieuse jamais écrite sur la société de classes et sur l’exploitation de l’homme par l’homme. C’est ainsi que vit le jour le marxisme, fondement des partis et mouvements révolutionnaires qui proclamaient le socialisme comme leur objectif, y compris presque tous les partis sociaux-démocrates qui, quand éclata la Première guerre mondiale, trahirent le mot d’ordre lancé par Marx et Engels dans le Manifeste communiste, publié pour la première fois en 1848 : « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! »

L’une des vérités que le grand penseur exprimait d’un manière simple est la suivante : « Dans la production sociale de leur existence, les hommes entrent en des rapports déterminés, nécessaires, indépendants de leur volonté, rapports de production qui correspondent à un degré de développement déterminé de leurs forces productives matérielles. […] Ce n’est pas la conscience des hommes qui détermine leur être ; c’est inversement leur être social qui détermine leur conscience. A un certain stade de leur développement, les forces productives matérielles de la société entrent en contradiction avec les rapports de production existants… De formes de développement des forces productives qu’ils étaient, ces rapports en deviennent des entraves. Alors s’ouvre une époque de révolution sociale. […] Une formation sociale ne disparaît jamais avant que soient développées toutes les forces productives qu’elle est assez large pour contenir, jamais des rapports de production nouveaux et supérieurs ne s’y substituent avant que les conditions d’existence matérielles de ces rapports soient écloses dans le sens même de la vieille société. »

Je ne pourrais expliquer en d’autres mots ces conceptions que Marx a avancées d’une manière si claire et si précise qu’il suffit d’une explication élémentaire du professeur pour que même un jeune Cubain, par exemple ceux qui sont entrés le samedi 14 juin à l’Union des jeunes communistes, puisse en saisir l’essence.

Sur le développement concret de la lutte des classes, Marx a écrit Les luttes de classes en France (1848-1850) et Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte, deux excellentes analyses historiques qui ravissent n’importe quel lecteur. C’était un vrai génie.

Lénine, profond continuateur de la pensée dialectique et des études de Marx, écrivit deux œuvres fondamentales : L’Etat et la Révolution et L’Impérialisme, stade suprême du capitalisme. Il mit vraiment en œuvre, par la Révolution d’Octobre, les idées de Marx, qui furent aussi développées par Mao Tsé-Tung et d’autres leaders révolutionnaires du Tiers-monde. Sans elles, la Révolution cubaine n’aurait pas non plus éclaté dans l’arrière-cour des Etats-Unis.

Si la pensée marxiste s’était bornée à la conception selon laquelle « une formation sociale ne disparaît jamais avant que soient développées toutes les forces productives qu’elle est assez large pour contenir », le théoricien du capitalisme, Francis Fukuyama aurait eu raison d’affirmer que la disparition de l’URSS marquait la fin de l’histoire et des idéologies et que toute résistance au système de production capitalisme devait cesser.

A l’époque où le créateur du socialisme scientifique exposait ses idées, les forces productives restaient encore à développer pleinement, la technologie n’avait pas encore apporté les armes de destruction massive meurtrières qui sont capables d’exterminer notre espèce, personne encore n’avait conquis l’espace, on ne gaspillait pas sans limites les hydrocarbures et les combustibles fossiles non renouvelables, on ignorait le phénomène des changements climatiques dans une Nature qui semblait s’ouvrir devant l’homme à l’infini, on ne savait rien d’une éventuelle crise mondiale des aliments, maintenant qu’on veut les partager entre d’innombrables moteurs à combustion et une population six fois supérieure au milliard d’habitants peuplant la planète l’année de la naissance de Karl Marx.

L’expérience de Cuba socialiste se déroule alors que la domination impérialiste s’est étendue à toute la Terre.

Quand je parle de conscience, je ne me réfère pas à une volonté capable de changer la réalité, mais, au contraire, à la connaissance de la réalité objective qui détermine la conduite à suivre.

Des dizaines de millions de personnes étaient mortes dans la guerre provoquée au milieu du XXe siècle par le fascisme qui naquit des entrailles antimarxistes du capitalisme développé que Lénine avait prévu.

A Cuba, comme dans d’autres pays du Tiers-monde, la lutte de libération nationale sous la conduite des couches moyennes et de la petite bourgeoisie, et celle que les secteurs les plus avancés de la classe ouvrière et du paysannat livraient déjà pour le socialisme convergèrent et se renforcèrent mutuellement. Les contradictions idéologiques et de classe affleurèrent aussi. Les facteurs objectifs et subjectifs variaient aussi considérablement d’un processus à l’autre.

La dernière guerre mondiale avait aussi engendré les Nations Unies et d’autres organismes internationaux dans lesquels beaucoup de gens virent l’émergence d’une nouvelle conscience sur notre planète. Ils se trompaient.

Le fascisme, dont Hitler en personne baptisa l’instrument : Parti national-socialiste, a ressurgi, plus puissant et plus menaçant que jamais.

L’Empire dépêche et maintient des porte-avions sur toutes les mers du monde pour pouvoir intervenir militairement. Que décide-t-il afin de rivaliser avec Cuba sur notre continent ? Expédier un énorme bateau converti en hôpital flottant qui passe dix jours dans chaque pays. Cette méthode peut aider assurément un certain nombre de personnes, mais il s’en faut de beaucoup qu’elle règle les problèmes de chaque pays ; elle ne compense pas non plus le vol de cerveaux ni ne peut former les spécialistes nécessaires pour prêter de vrais services médicaux chaque jour de la semaine et de l’année. Tous les porte-avions réunis, qui sont maintenant des instruments d’intervention militaire sur les divers océans de la Terre, ne pourraient pas, convertis en hôpitaux, prêter les services que les médecins cubains offrent à des millions de personnes aux endroits les plus reculés du monde où des femmes accouchent, des enfants naissent et des malades ont besoin de soins urgents.

Notre pays a prouvé qu’il peut résister à toutes les pressions et aider d’autres peuples.

Je réfléchissais sur l’ampleur de notre coopération non seulement en Bolivie, mais en Haïti, dans les Caraïbes, dans plusieurs pays d’Amérique centrale et d’Amérique du Sud, d’Afrique et même de la lointaine Océanie, à vingt mille kilomètres de distance. Je me souvenais aussi des misions de la brigade Henry Reeve prévue pour de graves catastrophes naturelles, voyageant sur nos propres avions qui transportent des personnels et d’autres ressources.

La possibilité – dont j’avais parlé – d’opérer gratuitement de la vue chaque année un million de Latino-américains et de Caribéens n’est pas loin d’être atteinte. Les Etats-Unis peuvent-il donc émuler avec Cuba ?

Nous utiliserons les ordinateurs, non pour fabriquer des armes de destruction massive et exterminer des vies, mais pour transmettre des connaissances à d’autres peuples. Du point de vue économique, l’épanouissement par la Révolution des intelligences et des consciences de nos compatriotes nous permet non seulement de coopérer avec les peuples qui en ont le plus besoin sans que cela leur coûte rien, mais encore d’exporter des services spécialisés, dont ceux de santé, vers des pays possédant plus de ressources que nous. Sur ce terrain, les Etats-Unis ne pourront jamais rivaliser avec Cuba.

Notre petit pays résistera.

Bref, la fourmi peut plus que l’éléphant !

Fidel Castro Ruz
Le 18 juin 2008
19 h 35

dimanche 15 juin 2008

Hypersexualisation : Québec solidaire partage les préoccupations du CSF

, le 11 juin 2008

Montréal, le 11 juin - Québec solidaire partage les préoccupations du Conseil du statut de la femme en ce qui a trait à l’omniprésence de modèles sexistes dans plusieurs médias et aux conséquences qui en découlent sur les fillettes et les adolescentes. Comme le CSF, Québec solidaire prône des rapports sexuels égalitaires entre femmes et hommes et croit que le monde politique doit prendre ses responsabilités face à un phénomène inquiétant.

« Le marché de la mode, des revues, du web et des médias de masse a compris que les jeunes filles formaient un public captif et vulnérable. On leur vend souvent des produits qui maintiennent des stéréotypes éculés et sexistes. Certaines en viennent à perdre toute estime d’elles-mêmes et à vouloir plaire à tout prix, allant jusqu’à vivre des rapports sexuels qu’elles ne désirent pas vraiment. Nous savons pourtant que plus les filles ont accès à des représentations variées des femmes et à des contenus sexuels égalitaires et positifs, plus elles développent leur autonomie et leur esprit critique», d’affirmer Françoise David, porte parole de Québec solidaire.

« Nous appuyons les recommandations du CSF portant sur l’éducation à une sexualité égalitaire à l’école, et sur l’inclusion de l’égalité entre les sexes dans l’éducation à la citoyenneté dès l’école primaire. Nous souhaitons le retour du concours sur les images égalitaires dans les médias et la publicité. Nous soutenons la proposition d’aide aux parents dans le domaine de l’utilisation d’internet par leurs enfants, Nous proposons aussi un soutien accru de l’État aux initiatives des filles et des jeunes femmes visant à produire des outils médiatiques et éducatifs axés sur une sexualité égalitaire. Les diffuseurs publics doivent présenter des émissions proposant des modèles de femmes autonomes à l’intention des jeunes» d’ajouter Alexa Conradi, présidente de Québec solidaire.

« Depuis longtemps, les féministes plaident pour que le corps des femmes leur appartienne véritablement et pour qu’elles s’épanouissent comme des personnes à part entière. Les femmes se battent contre les diktats politiques, religieux ou marchands. Québec solidaire est un parti féministe qui prône l’autonomie des femmes et des jeunes filles dans tous les domaines de leur vie » de conclure Françoise David.»

jeudi 5 juin 2008

Les « Dames en blanc » de Cuba



Salim Lamrani



01/06/2008 . À Cuba, un groupe de femmes, les « Dames en blanc », manifeste chaque dimanche pour la libération de leurs proches. La propagande occidentale a tôt fait d’y voir un équivalent aux « Mères de la Place de Mai » qui manifestaient pour les disparus argentins. Ce parallèle permet d’assimiler le gouvernement cubain à la junte militaire argentine. Seulement voilà : les détenus cubains n’ont pas été enlevés et torturés pour leurs opinions politiques, mais jugés contradictoirement, condamnés pour intelligence avec l’ennemi, et incarcérés. Les « Mères de la Place de Mai » risquaient leur vie, les « Dames en blanc », elles, sont ouvertement salariées par les USA pour jouer ce happening hebdomadaire.

Les « Dames en blanc » cubaines ont acquis une certaine renommée au sein de la presse occidentale, qui évoque régulièrement leurs activités. Élevées au rang de symbole de la lutte pour la liberté, ces dernières jouissent d’une aura médiatique qui ferait pâlir de jalousie n’importe quel groupe d’opposants à travers le monde, alors qu’elles suscitent plutôt l’indifférence et le rejet auprès de la population cubaine.

« Dames en blanc » et Mères de la Place de Mai, même combat ?

Les « Dames en blanc », parents des 75 opposants arrêtés en mars 2003 pour « association avec une puissance étrangère », manifestent tous les dimanches à Cuba pour exiger la libération de leurs proches. Pour se draper d’une certaine légitimité et occulter les raisons qui ont conduit leurs parents en prison, les Dames en blanc utilisent le moyen de lutte des Mères de la Place de mai et comparent volontiers le combat qu’elles mènent au leur. La presse internationale s’est également empressée à procéder à des comparaisons hâtives sans évidemment chercher à connaître l’opinion des mères argentines, les principales intéressées.

Interrogée à ce sujet, Hebe de Bonafini, présidente de l’association Mères de la Place de Mai [1], universellement reconnue et respectée pour sa lutte infatigable contre les injustices, a dénoncé le rapprochement fallacieux effectué par les Dames en blanc et a eu une réponse assez cinglante envers les journalistes en question :

« Tout d’abord, laissez-moi vous dire que la Plaza de Mayo se trouve en Argentine et nulle part ailleurs. Notre foulard blanc symbolise la vie alors que ces femmes dont vous me parlez représentent la mort. Voila la différence la plus importante et la plus substantielle qu’il faut signaler à ces journalistes. Nous n’allons pas accepter que l’on nous compare ou qu’elles utilisent nos symboles pour nous piétiner. Nous sommes en total désaccord avec leurs propos.
Ces femmes défendent le terrorisme des États-Unis. Elle défendent le premier pays terroriste du monde, celui qui a le plus de sang sur les mains, celui qui a lancé le plus de bombes, celui qui a envahi le plus de pays, celui qui a imposé les plus fortes sanctions économiques contre les autres. Nous sommes en train de parler de la nation qui est responsable des crimes d’Hiroshima et Nagasaki.
Ces femmes ne se rendent pas compte que la lutte des Mères de la Plaza de Mayo symbolise l’amour que nous portons pour nos enfants disparus, assassinés par les tyrans imposés par les États-Unis. Notre combat représente la Révolution, celle que nos fils et nos filles avaient voulu mettre en œuvre. Leur lutte est différente car elles défendent la politique subversive des États-Unis qui n’est faite que d’oppression, de répression et de mort [2] ».
La manifestation du 21 avril 2008

Le 21 avril 2008, les « Dames en blanc » ont orchestré une opération médiatique en manifestant devant le siège du Ministère de l’Intérieur, situé sur la Place de la Révolution en plein centre de La Havane, et ont été reconduites chez elles par les autorités [3].

Les médias occidentaux se sont empressés de dénoncer un acte de répression contre une manifestation pacifique et spontanée. L’agence de presse Reuters a fait part d’une « attaque cinglante contre les femmes des dissidents emprisonnés ». D’autres médias ont stigmatisé « une opération répressive calculée » qui a dispersé « par la force » la manifestation [4].

Cependant, la présence de la presse occidentale dès 6 heures du matin Place de la Révolution remet d’emblée en cause le caractère « spontané » de la manifestation. Quant à l’« attaque cinglante » évoquée par la presse – donnant l’impression que les manifestantes ont été victimes d’une charge d’une police anti-émeute, inexistante à Cuba –, les vidéos et les images montrent simplement une vingtaine de femmes fonctionnaires du Ministère de l’Intérieur, habillées en chemise, tailleur et chaussures à talon, sans aucune arme, conduisant les « Dames en Blanc » vers un bus climatisé de tourisme. D’ailleurs, l’une des opposantes, Berta de los Angeles Soler, a déclaré à l’Associated Press qu’aucune d’entre elles n’avait été victime de sévices : « Elles ne nous ont pas frappées. Il n’y a pas eu de violence » [5].

Pour les médias occidentaux, cet incident serait une preuve du caractère répressif du gouvernement cubain. Cependant, ils oublient de souligner que l’on interdit des manifestations tous les jours partout dans le monde. En France, par exemple, une manifestation ne peut avoir lieu que si elle a été dûment autorisée par la préfecture. Il suffit également de se rappeler de la manière dont ont été traitées les jeunes lycéennes de 15 ans lors des manifestations étudiantes de 2007 en France – violemment traînées au sol par la police – pour faire immédiatement preuve de nuance. Ce genre d’actes ne s’est jamais produit à Cuba.

De la même manière, la presse n’a pas révélé que les « Dames en Blanc » n’ont été reconduites chez elles que trois heures après le début de la manifestation afin d’éviter tout affrontement avec la population. En effet, des tensions ont éclaté entre elles et une centaine de personnes qui les ont accusées de promouvoir la politique étrangère des États-Unis.

Groupe indépendant ?

Miriam Leyva, l’une des fondatrices du mouvement, a déclaré que leur action était uniquement « humanitaire ». « Nous n’avons pas d’agenda politique » [6], a-t-elle affirmé. Laura Pollán, porte-parole du groupe, a vigoureusement défendu l’indépendance des « Dames en blanc ». « Nous sommes des femmes libres et nous n’obéissons aux ordres de personne » [7].

De son côté, le gouvernement cubain a dénoncé « une provocation » orchestrée depuis les États-Unis par la congressiste d’extrême droite de Floride Ileana Ros-Lehtinen, qui « a encouragé l’action de ces groupuscules, comme justification pour recevoir le financement octroyé par le gouvernement yankee » [8]. Qu’en est-il réellement ?

Les éléments disponibles remettent en cause les affirmations d’indépendance de la part des « Dames en blanc ». Le représentant étasunien à La Havane, Michael Parmly, a régulièrement rencontré les membres de ce groupe, comme l’attestent plusieurs photos dévoilées par la télévision cubaine. Elle a également rendu publique une conversation téléphonique du 18 avril 2008 avec Ileana Ros-Lehtinen qui montre, sans aucune ambiguïté, que l’opération du 21 avril a été organisée en Floride par la congressiste et la Fondation nationale cubano-américaine (FNCA) [9].

Il convient de rappeler qui sont Ileana Ros-Lehtinen et la FNCA. La congressiste est une farouche partisane de la manière forte contre Cuba. Elle avait participé à la séquestration du petit Elián González en 2000 et a défendu avec vigueur les terroristes notoires Orlando Bosch et Luis Posada Carriles. Elle s’est également prononcée pour le renforcement des sanctions économiques. En mars 2006, elle avait lancé un appel à l’élimination physique de l’ancien président cubain Fidel Castro en déclarant lors d’une interview pour le documentaire britannique 638 Ways to Kill Castro : « J’approuve la possibilité de voir quelqu’un assassiner Fidel Castro » [10].

Quant à la FNCA, son implication dans le terrorisme contre Cuba, notamment dans les attentats sanglants de 1997, ne fait plus aucun doute. Une source incontestable l’atteste sans équivoque. Le 22 juin 2006, José Antonio Llama, ancien directeur de l’organisation, a révélé au grand jour cette réalité. Selon lui, la FNCA a disposé d’un hélicoptère de charge, de 10 avions ultralégers dirigeables à distance, de 7 embarcations, d’une vedette rapide Midnight Express et d’une quantité infinie de matériel explosif. « Nous étions impatients face à la survie du régime de Castro suite à l’effondrement de l’Union soviétique et du camp socialiste. Nous voulions accélérer la démocratisation de Cuba en employant n’importe quel moyen pour y parvenir », a-t-il confessé [11].

Quel pays du monde accepterait que des citoyens s’associent avec une personne ayant lancé un appel à l’assassinat de son président de la République ? Quelle nation accepterait que des individus se lient avec une organisation terroriste ? Que se passerait-il en France si des personnes s’associaient avec Al-Qaeda, par exemple ? La presse occidentale les qualifierait-elle de « dissidents » ? Seraient-elles encore en liberté ?
La réunion de Miami

Le 8 avril 2008, une table ronde a été organisée à l’hôtel Biltmore de Coral Gables, en Floride, en présence du secrétaire au Commerce états-unien Carlos Gutiérrez, de l’ambassadeur de la République tchèque à Washington Petr Kolar et plusieurs membres de l’extrême droite cubaine afin de discuter du futur de Cuba. « Le soutien ferme à la dissidence cubaine est le mécanisme adéquat pour susciter un changement démocratique dans l’île », ont-ils finalement conclu, ce qui n’est rien d’autre qu’un appel à la subversion contraire au droit international et à la législation cubaine [12].

Washington est parfaitement conscient que les groupuscules de dissidents cubains sont complètement isolés dans leur pays. Leur attitude est perçue comme une collaboration avec une puissance ennemie par la population. C’est la raison pour laquelle Gutiérrez et les autres participants ont insisté sur le fait que « l’essentiel [était] que les opposants ne se sentent pas isolés dans leur lutte ». Le secrétaire au Commerce a rappelé qu’un budget de 80 millions de dollars était alloué depuis juillet 2006 au soutien des dissidents cubains [13].

La FNCA a également publié un rapport de 21 pages au sujet de l’aide fournie par Washington aux dissidents cubains. Selon elle, moins de 17 % des 65 millions de dollars alloués aux opposants cubains en 2006 sont parvenus réellement à ces derniers [14].

Conversation des opposants avec le Président Bush

Le 6 mai 2008, le président étasunien George W. Bush, qui a affirmé à maintes reprises son intention de renverser le gouvernement de La Havane, a même pris le temps de s’entretenir directement avec Berta Soler des « Dames en blanc », Martha Beatriz Roque et José Luis « Antúnez » García, par vidéoconférence. Ces derniers se trouvaient à la Section d’Intérêts nord-américains (SINA) de La Havane en compagnie de Michael Parmly, pour recevoir les directives de leur principal mécène, accompagné de la secrétaire d’Etat Condoleeza Rice et de Gutiérrez, pendant 45 minutes [15].

Berta Soler a indiqué que Bush les « avait félicités » pour leur labeur et en a même profité pour demander plus de fonds à Washington : « Nous l’avons remercié pour l’aide que nous fournissent les exilés cubains, mais ce n’est pas suffisant [16] ». La date du 6 mai n’est pas anodine puisqu’il s’agit, jour pour jour, du quatrième anniversaire du Plan de Bush adopté en 2004 contre Cuba et dont l’objectif est de renvoyer Cuba à un statut de néo-colonie.

Lors de son discours à la réunion du Conseil des Amériques le 7 mai 2008, Bush a de nouveau réaffirmé que son principal objectif était l’île des Caraïbes. « Une nation dans la région est toujours sous le joug de la tyrannie d’une époque dépassée. Il s’agit de Cuba ». Il en a profité pour souligner « l’extraordinaire opportunité » qui lui avait permis de s’adresser directement à certains opposants et a réitéré son intention de faire tout ce qui était en son pouvoir pour rompre l’ordre établi à Cuba [17].

Ainsi, l’obsession cubaine de la Maison-Blanche a presque relégué la guerre en Irak, la crise économique, la faiblesse du dollar, la crise alimentaire, les graves changements climatiques et l’explosion du prix du pétrole au second plan des priorités étasuniennes. Bush a pris le temps dans son agenda extrêmement chargé pour dialoguer avec les opposants cubains [18]. Les intentions de Washington sont claires.

Réponse du gouvernement de La Havane

Le Ministère cubain des Affaires étrangères a émis une déclaration dénonçant l’attitude des États-Unis qui « encourage la subversion » dans le pays, et « accuse l’administration étasunienne de fabriquer de toutes pièces et de promouvoir ces provocations […] ainsi que les campagnes médiatiques contre Cuba qui s’ensuivent » [19].

Le communiqué stigmatise les

« plans subversifs qui lui ont permis, rien que de 1996 à 2006, de fournir à la contre-révolution interne […] plus de 23 000 radios à ondes courtes ; des millions de livres, de bulletins et d’autres textes d’information, selon ce que reconnaît le rapport publié le 15 novembre 2006 par l’U.S. Government Accountability Office (GAO).
Rien qu’en 2008, l’administration étasunienne a dégagé 47,5 millions de dollars pour payer ses groupes mercenaires à Cuba et monter des provocations […]. Ces sommes font partie des 116 millions de dollars que l’administration Bush aura destinés au total à l’industrie de la subversion et de la contre-révolution interne aux frais du contribuable étasunien.
La Section des intérêts des Etats-Unis (SINA) à La Havane est devenue le fer de lance de la politique subversive de l’administration étasunienne et s’est consolidée comme le Q.G. de la contre-révolution interne. Selon ce même rapport du GAO, ses importations ont augmenté de 2000 à 2005 de presque 200%, dont de 50 à 70% a correspondu à des ingrédients destinés aux groupes mercenaires […].
La SINA ne cesse de diriger les contre-révolutionnaires, avec lesquels elle entre en contact et auxquels elle donne systématiquement des instructions. Depuis le début de l’année en cours, elle a organisé des dizaines de réunions avec ses mercenaires cubains […].
L’un des groupuscules qui ont été tout particulièrement parrainés, soutenus et financés par la SINA est justement les « Dames en blanc », que le président George W. Bush et ses services spéciaux ont choisi comme fer de lance contre Cuba […].
L’une de ces personnes a même reçu une lettre de reconnaissance du président George W. Bush en personne, ainsi que le financement et le soutien requis pour publier un livre sur les expériences contre-révolutionnaires de son mari, l’un des mercenaires condamnés pour avoir servi les intérêts du gouvernement qui nous agresse. La « présentation » du livre a eu lieu en présence d’un autre fonctionnaire de la SINA, Thomas Hamm.
Bush en personne a, le 24 janvier dernier, accueilli personnellement à la Maison-Blanche un membre de ce groupe, épouse d’un autre mercenaire notoire également condamné, lui offrant non seulement son appui, mais demandant aussi au monde de « soutenir » la cause de la contre-révolution à Cuba.
Cuba réaffirme son droit d’empêcher et de neutraliser ces actions provocatrices conçues, financées et stimulées par l’administration étasunienne et sa Section des intérêts à La Havane, ainsi que d’y répondre dûment » [20].
Les « Dames en blanc » financées par une organisation terroriste de Floride

Le gouvernement cubain a également révélé que Martha Beatriz Roque et les « Dames en blanc » recevaient des émoluments à hauteur de 1 500 dollars par mois – presque 100 fois le salaire moyen à Cuba ! – de la part de l’organisation Rescate Jurídico (RJ) de Floride, alors que les sanctions économiques empêchent tout Cubain des Etats-Unis d’envoyer plus de 100 dollars par mois à sa famille restée au pays [21].

Le président de cette association n’est autre que Santiago Álvarez Fernández Magriñat, terroriste notoire, ami intime du tristement célèbre criminel Luis Posada Carriles – responsable, entre autres, du sanglant attentat contre l’avion de Cubana de Aviación le 6 octobre 1976 qui avait coûté la vie à 73 personnes –, et purgeant actuellement une peine de prison pour possession illégale d’armes aux États-Unis (fusils automatiques, grenades, lance-grenades…). Cette entité dépend elle-même de fonds gouvernementaux [22].

L’implication de Santiago Álvarez dans des actes de terrorisme international ne fait aucun doute. Interpol a fait circuler le dossier de ce criminel en alerte rouge et a rappelé qu’il a notamment été impliqué dans la tentative d’assassinat de Fidel Castro à l’Université de Panama en 2000. Selon Interpol, Álvarez est responsable de l’organisation, du financement et de l’introduction d’une équipe terroriste à Villa Clara au centre de Cuba le 21 avril 2001 dans le but de saboter les installations touristiques [23].

Les autorités cubaines ont également rendu publique une conversation téléphonique entre Álvarez et l’un de ses agents infiltrés, Yhosvani Sury, au cours de laquelle il lui demandait de poser deux bombes dans le cabaret Tropicana [24]. L’Associated Press rappelle qu’Álvarez a reconnu publiquement à plusieurs reprises son passé de « militant violent contre Cuba en réalisant des attaques et en infiltrant des groupes armés » [25]. Álvarez a été recruté par la CIA dans les années 1960 et a participé à diverses actions criminelles, notamment à l’attaque de Boca de Samá à Cuba le 12 octobre 1972 au cours de laquelle deux personnes furent assassinées et une jeune fille perdit sa jambe [26].

En échange des émoluments perçus, Martha Beatriz Roque a écrit une lettre au juge James Cohn reconnaissant la collaboration de la fondation Rescate Jurídico avec l’opposition cubaine. Dans un courrier électronique destiné à Roque, Carmen Machado, trésorière de l’entité, expliquait l’importance de la lettre en question : « Le courrier serait adressé au juge James Cohn. Ce juge sera celui qui aura le dernier mot en ce qui concerne la remise de peine que l’on va accorder à notre ami [Santiago Álvarez] ». Selon le journal d’extrême droite El Nuevo Herald de Miami, « en juin 2007, le juge fédéral James I. Cohn a décidé de réduire d’un tiers la sentence de 46 mois de prison pour Álvarez et de 30 mois pour son collaborateur Osvaldo Mitat » [27].

Ainsi, en échange d’une substantielle rétribution financière, les opposants cubains ont permis à un terroriste notoire dont les mains sont tâchées de sang innocent d’obtenir une remise de peine aux États-Unis. Que se passerait-il en France si un « opposant » était financé, par exemple, par le responsable des attentats terroristes de Paris de 1995 ? Serait-il en liberté ? Ou bien serait-il incarcéré et accusé, à juste titre, d’association avec une organisation terroriste ?

Felipe Pérez Roque, ministre cubain des Affaires étrangères, a soulevé les mêmes interrogations : « Que se passerait-il si madame Martha Beatriz Roque, [et les Dames en Blanc…] […] vivaient aux États-Unis et étaient accusées de recevoir de l’argent d’un groupe terroriste qui agissait contre les Etats-Unis […] ? […] Que prévoit la loi nord-américaine ? » [28]
Implication des diplomates états-uniens

Après enquête, les autorités cubaines ont découvert une situation encore plus grave. Le chef de la mission diplomatique des États-Unis lui-même, Michael Parmly, se chargeait de remettre les fonds en provenance de Rescate Jurídico à Martha Beatriz Roque et Laura Pollán des « Dames en Blanc », en flagrante violation du droit international et notamment de la Convention de Vienne pour les relations diplomatiques et consulaires de 1961 dont l’article 41 souligne que les diplomates sont dans l’obligation « de ne pas s’immiscer dans les affaires internes » des pays hôtes [29]. Dans un courrier électronique à son neveu Juan Carlos Fuentes, envoyé le 26 avril 2007 à 20h27, Martha Beatriz Roque transmettait les directives suivantes à son contact :

« Je te saurais gré de bien vouloir appeler Bérangère Parmly à ce numéro de téléphone à Washington […], c’est la fille de Parmly et son papa va être dans le coin ces jours-ci et il peut être le facteur à travers elle, je dispose d’une autre possibilité que nous pourrions utiliser avant, mais celle-ci est sûre. Le facteur part le 10 mai pour Washington pour des raisons de santé et y restera deux semaines » [30].

La SINA, loin de démentir les accusations du gouvernement cubain, les a confirmées dans un communiqué : « Depuis longtemps, la politique des États-Unis consiste à fournir une assistance humanitaire au peuple cubain, particulièrement aux familles des prisonniers politiques. Nous permettons également aux organisations privées de le faire » [31]. Quel pays du monde accepterait un tel comportement sans réagir ?

Laura Pollán a également reconnu dans une déclaration avoir reçu la somme de 2 400 dollars de la part de Rescate Jurídico par le biais de Martha Beatriz Roque [32]. « Nous acceptons l’aide, le soutien, que ce soit de l’extrême droite ou de la gauche, sans conditions », s’est justifiée Pollán [33]. L’opposant Vladimiro Roca a également confessé que la dissidence cubaine était stipendiée par Washington tout en rétorquant que l’aide financière reçue était « totalement et complètement légale ». Pour le dissident René Gómez, le soutien financier de la part des Etats-Unis n’est « pas une chose qu’il faudrait cacher ou dont il faudrait avoir honte » [34].

De la même manière, l’opposant Elizardo Sánchez a implicitement confirmé l’existence d’un financement de la part des États-Unis : « La question n’est pas de savoir qui envoie de l’aide mais ce que l’on en fait » [35]. L’Agence France-Presse informe que « les dissidents ont pour leur part revendiqué et assumé ces aides financières » [36]. L’agence espagnole EFE fait allusion aux « opposants payés par les États-Unis » [37]. Selon l’agence de presse britannique Reuters, « le gouvernement états-unien fournit ouvertement un soutien financier fédéral pour les activités des dissidents, ce que Cuba considère comme un acte illégal » [38].

Ce qu’omet de dire l’agence Reuters est que le droit international interdit formellement le financement d’une opposition interne par une autre nation. De la même manière, un tel acte est illégal non seulement à Cuba mais dans n’importe quel autre pays du monde. Tous les codes pénaux punissent sévèrement toute association avec une puissance étrangère dans le but de porter atteinte aux intérêts de la nation, que ce soit aux États-Unis [39], en France [40], en Espagne [41], en Belgique [42], en Italie [43], en Suisse [44], en Suède [45] ou partout ailleurs.
Martha Beatriz Roque

Martha Beatriz Roque est une opposante particulière. Elle s’est ouvertement prononcée pour le maintien des sanctions économiques inhumaines et anachroniques qui affectent toutes les catégories de la population cubaine. Elle avait également affirmé lors d’une conversation téléphonique enregistrée par les services de renseignement cubains que peu lui importait si les États-Unis envahissaient Cuba [46].

Le conservateur quotidien de Floride The Miami Herald note qu’« elle est considérée comme une partisane de la manière forte qui soutient ouvertement George Bush, et qui a une fois voté symboliquement en sa faveur. Roque est étroitement associée à la mission diplomatique américaine de La Havane, où elle assiste à des évènements spéciaux, utilise Internet et se connecte à Radio Martí de Miami qui est financée par les États-Unis pour s’exprimer contre le gouvernement de Castro » [47]. Beatriz Roque est tellement intime de Parmly que ce dernier lui a fourni son numéro de téléphone personnel à Washington [48].

Domingo Amuchastegui est un ancien agent des services de renseignement cubains qui s’est exilé à Miami en 1994. À propos des dissidents, il a tenu le discours suivant : « Vous vous souvenez du baiser de la mort ? Selon moi, tout dissident qui entre en contact avec la Section d’intérêts ou avec les exilés de Miami perd toute possibilité de légitimité ». Au sujet de Roque, il a fustigé son opportunisme : « Martha Beatriz était l’un des haut-fonctionnaires les plus détestés au Ministère du sucre pendant des années. Elle était une extrémiste. Je ne l’ai pas prise au sérieux quand elle était une communiste loyale, et je ne la prend pas au sérieux maintenant » [49].

L’avis de Wayne S. Smith

Wayne S. Smith est un ancien diplomate états-unien qui a été chef de la SINA à La Havane de 1979 à 1982. Selon lui, il est complètement « illégal et imprudent d’envoyer de l’argent aux dissidents cubains ». Il a ajouté que « personne ne devrait donner de l’argent aux dissidents et encore moins dans le but de renverser le gouvernement cubain ». Se référant aux agissements de Michael Parmly, Smith les a qualifiés de contraires aux normes internationales parce qu’il « s’immiscerait dans les affaires internes d’une autre nation et parce que Santiago Álvarez est accusé de terrorisme » [50].

Les « Dames en blanc » sont des agents au service d’une puissance étrangère

Les dissidents cubains et les « Dames en blanc » ont parfaitement le droit de s’opposer au gouvernement de La Havane. Il est légitime de critiquer le pouvoir et même d’exprimer ouvertement son désaccord sans crainte de représailles, ce que ne manquent d’ailleurs pas de faire les opposants cubains.

En revanche, il est illégal, du point de vue de la législation cubaine, de la loi de tous les pays du monde et du droit international, de s’associer avec une puissance étrangère dans le but de promouvoir sa politique extérieure. Ce faisant, les « Dames en blanc » cessent d’être des opposants pour se convertir en agents d’une puissance étrangère et tombent sous le coup de la loi pénale.

D’un point de vue moral, éthique et patriotique, il est inacceptable que des individus s’associent avec l’ennemi historique de Cuba – le gouvernement des États-Unis – qui a tout fait pour empêcher l’île d’accéder pleinement à son indépendance, qui a orchestré une campagne terroriste qui a coûté la vie à 3 470 Cubains et a paralysé de manière définitive 2 099 innocents, qui a envahi militairement le pays en avril 1961, qui a menacé de désintégrer de manière nucléaire la nation en octobre 1962, qui impose des sanctions économiques cruelles et inhumaines qui affectent gravement le bien-être de toute la population depuis le 6 juillet 1960, et qui mène une guerre politique, diplomatique et médiatique sans relâche contre Cuba.

Les médias occidentaux violent également la déontologie journalistique en occultant cette réalité et en persistant à qualifier les « Dames en blanc » et Martha Beatriz Roque de simples opposants. Ils trompent gravement et délibérément l’opinion publique afin de lui faire croire, en cas de réaction des autorités et de la justice cubaines, à une nouvelle vague de répression arbitraire contre de « pacifiques militants des droits de l’homme ».

Palestine : Interview du professeur Norman Finkelstein

Solidaire, 2 juin 2008

Le professeur américain Norman Finkelstein est connu pour ses points de vue particulièrement tranchés sur l’occupation israélienne de la Palestine. L’an dernier, elles lui ont coûté son boulot…



La presse américaine parle généralement de vous comme d’un personnage à controverse, en raison de vos points de vue sur le conflit israélo-palestinien. Ce n’est pas votre avis…

Norman Finkelstein. Aux USA, défendre le point de vue du droit international suffit déjà à s’exposer à la « controverse ». Prenons un exemple simple. Généralement, le fameux « processus de paix » est déjà considéré séparément des négociations sur le statut final. Celles-ci ne seraient proposées uniquement qu’à la fin du processus, du fait qu’elles sont si compliquées et qu’elles sont une matière à controverse.

Généralement, dans ces négociations finales, on considère quatre points : 1) les frontières d’Israël et de la Palestine ; 2) le statut des colonies juives à Gaza et en Cisjordanie ; 3) le statut de Jérusalem-Est ; 4) l’avenir des réfugiés palestiniens.

Voyons maintenant ce que dit à ce propos le droit international. En juillet 2004, la Cour internationale de Justice (CIJ) à La Haye – la plus haute instance juridique au monde – condamnait non seulement la construction du mur de sécurité israélien sur le sol palestinien, mais elle s’exprimait également sur trois des quatre questions du statut final.

Et qu’a dit la CIJ ?

Norman Finkelstein. Exactement la même chose que moi. Primo, que les frontières sont clairement définies. Qu’il est illégal d’étendre son territoire en recourant à la guerre et que, partant, la Cisjordanie et Gaza, occupées par Israël depuis la guerre des Six-Jours (1967), ne font pas partie d’Israël. Secundo, que les colonies juives dans les territoires palestiniens sont illégales, d’après la quatrième convention de Genève et qu’elles constituent des violations flagrantes du droit international. Et, à propos de Jérusalem-Est, la CIJ a déclaré que cette partie de la ville avait été prise par Israël après la guerre de 1967 et qu’elle était donc un territoire palestinien, vu qu’il est illégal de s’approprier des territoires par la guerre.

En d’autres termes, trois des quatre questions finales sur le statut sont déjà résolues, en fait, par la décision de la CIJ. Cette décision était-elle matière à controverse ? Personnellement, je pense que non, à l’instar de la CIJ car, des quinze juges de la Cour, un seul a voté contre, le juge américain. S’il s’était agi d’une question à controverse, on se serait attendu à un vote de huit contre sept, voire de neuf contre six, mais pas de quatorze contre un…

Pourquoi, dans ce cas, nous répète-t-on tout le temps qu’il s’agit d’un problème vieux comme le monde et auquel il n’y a pas de solution ?

Norman Finkelstein. Les faiseurs d’opinion qui annoncent ce genre de chose ne veulent pas que les gens examinent les faits et voient qui bloquent coup après coup toute solution pacifique. Chaque année, les Nations unies votent à nouveau une résolution de solution au conflit sur base des points de départ que je viens précisément de décrire. Cette année, 161 pays ont approuvé cette résolution et 7 pays ont voté contre. Vous voulez savoir lesquels ? Les États-Unis, Israël, l’Australie, Nauru, Palau, la Micronésie et les îles Marshall. S’il s’agit d’un problème à controverse, comment ce vote peut-il être de 161 contre 7 ?

Pourtant, on vous traite très régulièrement d’antisémite et vos points de vue vous ont déjà coûté votre nomination de professeur à l’université DePaul.

Norman Finkelstein. On m’a déjà traité de tous les noms. On a même prétendu que feu ma mère, qui a survécu aux camps d’extermination, était une collaboratrice des nazis. Manifestement, certains voient des antisémites dans tous ceux qui critiquent Israël. Je ne suis pas le seul à qui on balance ce genre de reproches. Les défenseurs acharnés d’Israël ont d’ailleurs déjà taxé d’antisémitisme l’ancien président Jimmy Carter, Amnesty International, la BBC, les Nations unies et qui sais-je encore. Bref, tous ceux qui osent dénoncer les crimes israéliens. Ils en font un reproche dénué de contenu car, si on taxe le monde entier d’antisémitisme, on met du même coup à l’abri les véritables antisémites, aujourd’hui, une minorité marginale d’extrême droite.

Une solution que l’on propose souvent dans les cercles propalestiniens, c’est celle d’un État démocratique laïc où Palestiniens et Juifs cohabiteront. Qu’en pensez-vous ?

Norman Finkelstein. Je sais que nombre de personnes défendent cette idée mais je trouve qu’en ce moment, cela relève de la fantaisie politique. Personnellement, je suis pour un monde sans États mais la politique est selon moi l’art du faisable ou, pour reprendre les mots de Mao : « Unissez la majorité pour défaire la minorité. » Le monde a placé Israël dans une position minoritaire et les exigences officielles des Palestiniens dans une position majoritaire. Nous ne devons tout de même pas nous replacer dans la minorité ? La solution à un État sonne bien mais elle ne repose sur rien. Le plus important aujourd’hui, c’est la fin de l’occupation israélienne criminelle des territoires palestiniens. C’est aussi une illusion de croire qu’on peut tout résoudre avec une structure étatique. Prenons l’Afrique du Sud, ils ont aussi un État, mais encore des tas de problèmes.

Vous parliez il y a un instant de trois des quatre questions de statut. Il reste encore le problème des réfugiés palestiniens qui ne peuvent pas rentrer.

Norman Finkelstein. Chaque organisation des droits de l’homme dit que les réfugiés ont le droit de retour. Selon moi, ce problème peut être résolu en négociant. Permettez-moi de sortir une analogie. Quand j’ai été viré de DePaul, mon avocat m’a dit que j’avais deux choix, soit intenter un procès, qui allait durer au moins six ans, mais que j’allais gagner à coup sûr, soit négocier un accord et poursuivre ma vie.

J’ai opté pour l’accord, auquel j’ai posé deux conditions. Primo, DePaul devait reconnaître publiquement mes mérites en tant qu’universitaire et professeur et, par conséquent, reconnaître publiquement l’irrégularité de mon licenciement et, secundo, j’exigeais une compensation financière. Selon moi, les mêmes principes sont applicables au problème des réfugiés. Israël doit reconnaître qu’en 1948, il a mené une épuration ethnique contre les Palestiniens et proposer des compensations financières aux personnes qu’il a chassées.

A lire: Norman Finkelstein, Mythes et réalité du conflit israélo-palestinien, éditions Aden, 2007, 400 p., 25 euros.