mercredi 18 février 2009

L'ASSURANCE-EMPLOI: CONQUISE DANS LA LUTTE
Par Kimball Cariou, rédacteur en chef de People's Voice

Comme les travailleurs-euses sont confrontés à une profonde crise économique, des demandes pour que soit apporté d’importantes améliorations du régime d'assurance-emploi se font de plus en plus pressantes.
Pendant de nombreuses années, les médias et les hommes politiques de droite ont répandu l'idée que l'assurance-emploi c’était « la vie facile » pour les chômeurs-euses, un «cadeau» à même les taxes et des dépenses pour les gouvernements », un programme financé par les contribuables qui encourage la « paresse » au détriment de l’obéissance et de la fidélité à l’égard des employeurs. Malheureusement, il y a aussi eu des arguments provenant de certains à gauche prétendant qu’il fallait voir dans l'assurance-chômage un moyen pour la classe dirigeante d’atténuer les luttes populaires.
Mais la vérité est bien différente, et nous avons besoin de nous rappeler l'histoire du mouvement ouvrier pour réfuter ces fausses idées.
Presque tous les grands pays capitalistes ont adopté des systèmes d'assurance-chômage au début du 20e siècle. Les détails varient d'un pays à l'autre, mais l’existence de ces programmes est le reflet de la réalité qui veut que le capitalisme ne peut jamais assurer le plein emploi. Les employeurs ont actuellement besoin d'une grande "armée de réserve de chômeurs" pour faire baisser les salaires et pour limiter la capacité des travailleurs-euses à s'organiser en un puissant mouvement syndical.
En fait, le capitalisme lui-même génère le chômage. En quelques mots, chaque capitaliste (ou société) en concurrence contre les autres s'efforce de maximiser ses profits en réduisant les coûts salariaux. Cela peut se faire en baissant les salaires, en cassant les syndicats, en allongeant la journée de travail, en accélérant la production, ou en investissant dans de nouvelles technologies pour économiser en coût de main-d'œuvre. Cette dernière tactique permet de réduire la main-d'œuvre et d’envoyer des travailleurs-euses au chômage. Les capitalistes qui en tirent alors des profits relativement plus importants tirent avantage de cette situation pour continuer d’augmenter des investissements de capitaux afin de réduire encore davantage les coûts du travail. Ceux qui ne parviennent pas à répondre à cette concurrence sont acculés à la faillite, jetant par le fait même encore plus de travailleurs-euses dans «l’armée de réserve».
En d'autres termes, le chômage n'est pas le résultat d’ «imperfections» - il s'agit d'une caractéristique permanente, faisant partie intégrante de notre système économique.
Malheureusement pour les patrons, les travailleurs-euses sans emploi refusent de simplement baisser les bras et de se laisser tranquillement mourir de faim. Utilisant un large éventail de moyens - manifestations de masse, grèves, élections - les travailleurs-euses ont toujours combattu, entre autres mesures, pour des journées de travail plus courtes, de meilleurs salaires, pour le droit de s'organiser, pour l'assurance-chômage, et pour la création d’emplois.
Cette lutte au cours des années 1930 fut la plus critique l’histoire de la classe ouvrière canadienne. Alors que la Grande Dépression empirait, il est estimé que le chômage au Canada affectait le cinquième de la main-d'œuvre. La réponse du gouvernement conservateur de RB "Iron Heel" Bennett avait été d’obliger des milliers d’hommes célibataires sans-emploi à vivre dans des camps de travail isolés. Payés seulement vingt cents par jour dans ces «camps d'esclaves», les travailleurs formèrent l’Union des ouvriers des camps de secours, affiliée à la Ligue d’Unité ouvrière dirigée par les communistes. Leur mouvement s’inspirait de l'Union Soviétique, où l'exploitation capitaliste avait été supprimée, et où les travailleurs-euses avaient réalisé des avancées sociales de grande envergure.
Au printemps de 1935, les membres de l’UOCS se réunirent à Vancouver, où les résidents répondirent par de généreux appuis de solidarité et d'énormes rassemblements. Les travailleurs décidèrent d’aller porter leurs réclamations pour «du travail et des salaires» - des emplois et des revenus pour vivre - directement au gouvernement fédéral. Le 3 Juin des centaines sont montés sur des trains de marchandises pour commencer la fameuse « Grande marche sur Ottawa. » Comme les marcheurs gagnaient en nombre et en soutien plus ils avançaient vers l’Est, les Conservateurs de Bennett et l'ensemble de la classe dirigeante étaient terrifiés, craignant une révolution socialiste au Canada. Le Marche fut écrasée par une attaque brutale de la police à Regina le 1er juillet 1935, bien que les travailleurs-euses sans emploi en Ontario se soit rendus à Ottawa.
Iron Heel" Bennett fut défait plus tard cette année-là, et le gouvernement libéral de Mackenzie King a finalement été contraint, par la pression de la classe ouvrière, d’adopter l'assurance-chômage en 1940 ; le Canada aura été le dernier pays occidental à adopter un système d'assurance-chômage.
Depuis lors, les termes du régime d'assurance-chômage ont constamment fait l'objet d'une bataille entre le mouvement ouvrier et les patrons, au parlement comme à l’extérieur du parlement. Pendant de nombreuses années, il suffisait aux travailleurs-euses d’être en emploi pendant 10 semaines pour être admissibles à 42 semaines de prestations d’assurance-chômage. Avec les modifications adoptées en 1971, plus de 80 pour cent des Canadiens-nes sans emploi étaient admissibles aux prestations. Les prestations de 15 semaines pour maladie et pour maternité ont également été remportées cette année-là.
Mais les exigences des employeurs devinrent de plus en plus de pressantes durant les années 1970 et 80, au fur et à mesure que l'agenda « néo-libéral » prenait le dessus avec son lot d’attaques contre la classe ouvrière. Le gouvernement fédéral a d’abord réduit, puis éliminé sa contribution financière à l'assurance-chômage en 1990. Les Conservateurs de Mulroney ont sabré dans le programme, et cela fut suivi par de nouvelles réductions sous le règne des Libéraux de Chrétien et du ministre des Finances Paul Martin en 1994 et en 1996, quand il a été rebaptisé « assurance-emploi ». Les modifications ont augmenté le temps de travail nécessaire pour se qualifier, et les prestations furent réduites à l’actuel et misérable taux de 55% des gains antérieurs. Aujourd'hui, environ le tiers seulement des travailleurs-euses sans emploi sont admissibles à l'assurance-emploi, et encore beaucoup moins dans plusieurs régions.
La baisse des dépenses a entraîné une augmentation du surplus de la caisse d'assurance-emploi après 1994. L'excédent cumulé s'élevait à $ 54 milliards en 2007, tandis que des centaines de milliers de travailleurs sont dans l'incapacité de recevoir des prestations.
En rejetant la demande du mouvement ouvrier d'améliorer l'accès et le niveau des prestations d'assurance-emploi, le Premier ministre Harper prend la même position que "Iron Heel" Bennett il y a plus de soixante-dix ans. Comme toujours, le Parti conservateur se tient avec les patrons, qui utilisent la faim et la pauvreté comme un fouet pour frapper la classe ouvrière afin de la soumettre durant une époque de crise économique. Nous avons besoin de lutter en mobilisant à nouveau un puissant mouvement de masse, en exigeant des emplois et des revenus suffisants pour tous, y compris l'assurance-emploi à 90% du salaire antérieur pendant toute la durée du chômage.

Aucun commentaire: