samedi 31 mai 2008

Manifestation du 15 mars 2008 contre la brutalité policière

Et ce qu’ils avaient à dire ?
Par Marianne Breton Fontaine
En collaboration avec Edwin Mayen

Cette année, la manifestation contre la brutalité policière qui a lieu tous les 15 mars se faisait sous plusieurs thèmes : contre l’impunité des policiers et policières, contre le profilage racial, contre le nettoyage social et la répression politique. Le rendez-vous se faisait en face du métro Berri-UQAM et les participants étaient nombreux, environ 600 personnes. Il y avait alors deux fois plus de policiers et policières que de manifestants et manifestantes. Tout autour de la foule, les journalistes se promenaient. Malheureusement, aucun d’entre eux n’était venus pour poser des questions. Ils et elles étaient à la recherche de sensationnel car tous se doutaient qu’aussitôt que la marche allait commencer, il y aurait une confrontation violente. Mais qu’est-ce que tout ce monde venu manifester avait à dire?

«Aujourd’hui, nous organisons pour une 12ième année consécutive une manifestation contre la brutalité policière. En fait, cette action à commencé en 1996 suite au tabassage à mort de deux enfants en Suisse. Au Québec et en Suisse, il a été décidé de commémorer cet événement en organisant une manifestation contre la brutalité policière. Mais c’est aussi commémoré au Mexique, en Colombie et dans d‘autres pays du monde. »

C’est ce que nous a expliqué Sophie Sénéchal, une militante du Collectif opposé à la brutalité policière (COBP). Dans la foule qui se rassemblait, les gens ne semblaient pas nerveux et chaque personne savait pourquoi elle était présente. Mais du côté des policiers et policières, l’offensive était déjà commencée. Les activistes furent filmés, photographiés et tous bien encerclés. Sous la musique d’un groupe invité pour égayer la marche, l’interview continue :

«Nous dénonçons entre autre le nettoyage social. Ce n’est pas normal qu’à Montréal, les personnes les plus démunies s’accumulent des «bills» judiciaires de 20 ou 30 000$ à force de vivre dans l’espace public. Nous savons très bien que ces dettes judiciaires ont pour conséquence l’emprisonnement. Ces personnes sont fragilisées et les coût sociaux ne font qu‘augmenter. Actuellement les prisons sont pleines. Nous dénonçons aussi le profilage racial. Ce n’est pas plus normal de ce faire intercepter à chaque fois qu’on se promène en voiture pour le simple fait d’être noir, ou immigrant, immigrante.

Il y a aussi plusieurs groupes cette année qui ont demandé un moratoire sur l’utilisation du pistolet taser. C’est bien, mais nous considérons nécessaire l’arrêt complet et immédiat de l’utilisation du taser. Nous en avons aussi assez de l’hypocrisie du gouvernement dans ce dossier. Ce qui n’est pas surprenant puisqu’un membre du gouvernement Harper est conseiller de la compagnie Taser International. Nous savons aussi que des policiers du SPVM travaillent pour cette compagnie. Nous comprenons donc très bien où est la collusion.

De plus, nous dénonçons l’impunité policière. Même si nous ne sommes pas pour un système punitif, dans le système où nous vivons, n’importe quel citoyen ou citoyenne qui commet un meurtre ira en prison. Mais dans le cas des policiers et policières, de par leur fraternité, sont constamment protégés. À Montréal, il y a eu 42 personnes tuées en 21 ans par des agents et jamais il n’y a eu d’accusation portées contre eux. »

Ce n’est pas ce genre de discours que les médias de masse rapportent dans les journaux et à la télévision. On décrit les manifestants et manifestantes comme une bande de jeunes énervés se révoltants contre l’autorité, des voyous et des casseurs. Il est vrai que depuis quelques années, cette manifestation ne se termine pas dans la paix. Loin de là. Mais tous les propos et les raisons qui poussent ces centaines de personnes à se réunir dans la rue sont noyées par des images montrées en boucles de vitres cassées et d’altercations entre activistes et agents de la police. Et si la violence existe des deux côtés dans ces manifestations, seule les méfaits des «agités» qui revendiquent deviendra publique. Les médias se gardent bien de montrer les abus en provenance des forces de l’ordre.

Mais le fond de cette démonstration populaire reste politique. Comme à chaque fois où les gens prennent la rue. Et cette année, les étudiants et étudiantes étaient plus nombreux qu’à l’habitude. La lutte contre le dégel des frais de scolarité était encore chaude et la répression policière contre ce mouvement avait été et continue d’être immense comme le disait cette militante :

« Durant la dernière année, il y a eu beaucoup de répression politique et policière dans le mouvement étudiant. Entre autre, des arrestations de masse, du poivre de Cayenne et des coups de matraque à profusion utilisés contre nous. Nous sommes donc ici pour nous opposer à ça et dire que nous en avons assez de nous faire taper dessus à chaque fois que nous sortons dans la rue. »

Les revendications ne s’arrêtent pas à dénoncer cette répression ouverte qui grandit contre tout mouvement de protestation. Il y a toute une problématique sociale qui est en jeux. La pauvreté n’est jamais belle et à Montréal, le mot d’ordre est de la faire disparaître pour la saison des festivals. On la cache derrière des barreaux de métal froid. En effet, les itinérants et itinérantes sont la cible des force de police. La façon de procéder est simple. La police utilise les règlements municipaux pour donner aux itinérants et itinérantes des contraventions à outrance. Un exemple : avoir jeté une cigarette sur le sol vaut une amende de 82$. Les « tickets » s’accumulant, les victimes de ces abus d’autorité finissent par devoir à la ville des sommes astronomiques.

«Pour vous donner une petite idée, en janvier 2005 on comptait 600 itinérants qui devaient plus de 3 millions en dette de contravention. Un itinérant peut recevoir parfois jusqu’à 25 « tickets », ce qui vaut beaucoup d’argent. Des montant autour de 6 000$ et même jusqu’à 20000$ par personne même plus quelques fois. Si ces personnes ne peuvent pas payer ces montants, ils doivent aller en prison. Une journée d’emprisonnement équivaut à 15$ de remboursement. Faites le calcul, c’est beaucoup de temps avant de retrouver sa liberté. » Du moins, en voilà assez pour les faire disparaître une bonne partie de l’année. C’est ce que nous dit une des représentantes du groupe STELLA, un groupe de défense des travailleuses du sexe.

Et voilà, le tour est joué. La ville maintenant propre peut laisser place à l’arrivée massive des touristes qui ne seront pas importunés par la vue de la misère…celle qui existe dans toutes les villes du monde capitaliste, aussi riches soient-elles.

Au lieu d’investir dans les organismes communautaires qui pourraient aider ces gens, on préfère augmenter les effectifs de la police. Les gouvernements de tous les paliers ont pris la même tangente: la répression. Et toutes personnes qui ne «fitt pas dans le décor», soit les itinérants et itinérantes, les travailleuses du sexe, les « squidjis », les jeunes au look rebelle, les immigrants et immigrantes qui s’affichent trop et tous les autres qui peuvent se dire appartenant à une population marginalisée en subissent les conséquences. Répression et discrimination, voilà une bonne façon de décrire la police et ses actions.

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