2.000 morts, 30.000 réfugiés, la ville de Tskhinvali détruite, c’est le bilan provisoire de l’agression des troupes géorgiennes en Ossétie du Sud. Mais d’où vient ce conflit ?
Au cœur des montagnes du Caucase, parmi une mosaïque de peuples, vivent les Ossètes, peuple ancien parlant une langue indo-européenne. Leur « pays » est divisé par le mont Elbrouz, le plus haut sommet d’Europe (5.642 mètres, plus que le mont Blanc !), qui constitue une frontière naturelle entre l’Ossétie du Nord, rattachée à la Russie, et l’Ossétie du Sud, revendiquée par la Géorgie.
Organisés en deux régions autonomes sous l’Union soviétique, les Ossètes vivaient en paix avec leurs voisins russes et géorgiens. Les mariages mixtes étaient fréquents. Mais la chute de l’Union soviétique a fortement attisé les poussées nationalistes dans le Causase, notamment de la part de la Géorgie, soutenue par les Etats-Unis et l’Otan.
La Géorgie a un intérêt stratégie évident pour les Etats-Unis. Washington compte y installer de nouvelles bases militaires, postes avancés contre l’Iran et la Russie. Mais la Géorgie, c’est l’autoroute de l’énergie en direction de l’Europe : deux pipelines majeurs la traversent. Ils vont rivaliser de plus en plus avec les pipelines russes qui ont été la première source de l’Europe en gaz naturel et en pétrole. Ouvert en 2005, le pipeline pétrolier Bakou-Tbilissi-Ceyhan (BTC) est la propriété de British Petroleum et d’Unocal. Il traverse la Géorgie jusqu’au port turc de Ceyhan. Le consortium BP est également propriétaire du pipeline Bakou-Tbilissi-Erzurum, ouvert en 2007. Un troisième, appelé le Western Early, passe par la frontière de l’Ossétie du Sud, traverse la Géorgie et abouti au port géorgien de Supsa.1
Cela pour le contexe politico-économique. Il n’en fallait pas davantage pour qu’un conflit ouvert éclate la nuit du 7 au 8 août. Les forces militaires géorgiennes lancent l’assaut. « C’est une provocation cynique le jour de l'ouverture de la 49e Jeux Olympiques », écrit le Parti Communiste Ouvrier de Russie (PCOR).2 Les villages d’Ossétie du Sud sont bombardés. La capitale Tskhinvali est complètement détruite. Près de 2.000 personnes auraient péri dans cette agression, principalement des civils. Près de 30.000 personnes auraient fui les zones de combat.
Pour le PCOR, « sont responsables non seulement le régime fascisant de Saakashvili et ses alliés américains, mais aussi le régime bourgeois de Russie qui, depuis l’époque d’Eltsine jusqu’à ce jour, a contribué à la création de tensions dans le Caucase. »
« Images biaisées »
« Les chaînes de télévision dominantes des Etats-Unis et d’Europe ont diffuse des informations extrêmement partisanes, sinon biaisées concernant le conflit en Ossétie du Sud, explique le Parti communiste de la Fédération de Russie. Aucun reportage n’a été réalisé en Ossétie du Sud, mais seulement à Gori et dans d’autres villes géorgiennes où les dégâts sont incomparables à ce qui s’est passé à Tskhinvali. »3
Repères historiques
1774. L’Ossétie a fait partie de l’Empire de Russie comme une province unique (sans division entre les parties Nord et Sud).
1917. Après la désintégration de l’Empire de Russie, la Géorgie réclame la souveraineté sur le territoire d’Ossétie du Sud.
1918-1929. Des milliers d’Ossètes du Sud sont massacrés par les troupes géorgiennes et chassés vers l’Ossétie du Nord. Presque tous leurs villages sont détruits.
1922. L’Ossétie du Sud est annexée à la Géorgie en tant que région autonome.
Fin des années 80. Des nationalistes georgiens lancent une campagne de destruction de l’autonomie de l’Ossétie du Sud.
1989 à 1992. La Géorgie, indépendante en 1991, entre en conflit armé avec l’Ossétie du Sud qui réclame son indépendance. Plus de 3000 Ossètes sont tués, 100 villages incendiés et 40.000 habitants forcés de se réfugier en Russie.
Juin 1992. Les dirigeants russes, géorgiens et ossètes signent un armistice à Sotchi. Une force de maintien de la paix composée de Russes, de Géorgiens et d’Ossètes est stationnée dans la zone du conflit. L’Ossétie du Sud continue de réclamer son indépendance.
Mars 2008. La Géorgie ne reconnaît plus les mécanismes de l’armistice et concentre des unités militaires géorgiennes dans les zones prohibées.
« Les Etats-Unis ont entraîné la Russie dans le conflit »
Pour Victor Tioulkine, 1er secrétaire du Parti Communiste Ouvrier de Russie, ce conflit a été voulu par les Etats-Unis.
« Sans l'approbation des Etats-Unis, le président géorgien Saakashvili n’aurait pas franchi cette étape. Les États-Unis ont participé à la planification de cette provocation. L’armée américaine a formé et soutenu militairement l'armée géorgienne. Peu de temps avant le conflit, Condoleezza Rice s'est rendue en Géorgie et Bush a accusé la Russie d'agression. L'un des objectifs principaux de cette opération consistait à entraîner la Russie dans de grandes batailles militaires et à la présenter au monde comme l’agresseur.
Pourquoi ? Les élections présidentielles aux Etats-Unis auront bientôt lieu. Les Républicains, qui suivent une politique plus réactionnaire, ont besoin d’une atmosphère de tension internationale pour justifier leurs agressions en Afghanistan et en Irak, le déploiement de leurs missiles de défense en Europe de l'Est, la croissance du budget de guerre, etc.
Le régime russe joue la carte patriotique et souhaite que la société s’unisse autour de l'actuel président et le premier ministre, comme ce fut le cas avec Poutine lors de la deuxième guerre tchétchène. Il utilise l’indignation justifiée de la population. Celle-ci constate qu’à l’époque de l'Union soviétique il n’y a eu aucun conflit sanglant et que c’est le capitalisme qui a amené l'ensemble de ces tragédies. »
(1) Workers World, 13 août 2008. Traduction sur: www.michelcollon.info
(2) Communiqué du Parti Communiste Ouvrier de Russie, 8 août 2008.
(3) Parti communiste de la Fédération de Russie, 14 août 2008.
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