Obama à la Maison-Blanche
A la fermeture de cette édition, avant la fin du décompte des votes dans la soirée de mardi, les projections des chaînes de télévision et des agences de presse donnaient Barack Obama comme vainqueur dans les Etats de Pennsylvanie et Ohio, scellant ainsi l’issue de la joute électorale pour la présidence aux Etats-Unis. Le sénateur démocrate pour l’Illinois prendra ses fonctions à la Maison Blanche le 20 janvier en tant que 44e président des Etats-Unis.
Le candidat du changement ?
Environ 60% de ces votants étaient des affiliés du Parti démocrate qui auraient voté pour Obama. Un indice avant-coureur de la victoire annoncée vers minuit par les médias étasuniens.
Cette carrière fulgurante a eu son point d’orgue : en septembre 2007 Obama cessait d’être un homme de plus au sein du peloton des aspirants à la présidence, un candidat quasiment inconnu de la population des Etats-Unis et uniquement mentionné pour son discours de 2004 et pour sa condition de Noir (ou d’Afro Nord-américain), pour se glisser dans le groupe de tête. C’est à ce moment-là qu’il s’érige en porte-parole de l’opposition à la guerre en Irak (une question qui était à l’époque au centre de l’attention de l’opinion publique) et qu’il se situe, en termes de collecte de fonds, au même niveau que Hillary Clinton, favorite parmi les candidats démocrates.
Dans une progression rapide et spectaculaire, Obama parvient en décembre à rejoindre Hillary Clinton dans les sondages d’opinion en tant que candidat favori, et il signe une brillante victoire au premier tour des primaires, dans les caucus de l’Iowa le 3 janvier de cette année, reléguant Hillary à une terne troisième place. Le 5 février, lors du « Giga mardi », il ôte toute possibilité à sa concurrente démocrate d’obtenir un nombre substantiel de délégués, un exploit qu’il rééditera au « Super mardi » du 4 mars en alignant des victoires aux primaires et aux caucus pendant les mois de février et mars.
Lors du sprint final des primaires il réussit vers le milieu du mois de mai à égaler et, de façon décisive, à dépasser Hillary Clinton en s’adjugeant le plus de superdélégués (ce qui dans la pratique représente le soutien de l’establishment démocrate) qui appuient sa nomination et, finalement, avant le terme de la période des primaires, il s’impose dans la course à la nomination à la présidence pour le Parti démocrate en décrochant le nombre de délégués nécessaires.
En moins de neuf mois Obama est devenu un personnage historique de la politique des Etats-Unis en bénéficiant du soutien de la majorité de l’establishment démocrate. Le petit groupe qui se serrait un an avant autour de la candidature d’Obama avait battu aux primaires et écarté du contrôle du Parti démocrate la formidable machine politique de Bill et Hillary Clinton, forte de trois décennies de leadership, y compris les huit ans de Bill à la présidence du pays.
Contrairement aux avis des commentateurs et des spécialistes selon lesquels la lutte acharnée pour la nomination entre Hillary et Obama menaçait de diviser le Parti démocrate, ce bras de fer aura joué un rôle décisif dans l’union des différentes tendances, et a constitué un facteur clé dans la victoire d’Obama aux urnes. Par contre, si au mois de février McCain était déjà parvenu à assurer sa nomination comme candidat à la présidence pour son parti, c’est parce que ses adversaires avaient abandonné la course et non parce que le Parti républicain était uni ou acceptait de bon gré sa candidature, au-delà de la multiplicité des tendances. Cette différence dans la manière dont l’un et l’autre candidat ont obtenu leur nomination aura constitué un facteur clé dans le résultat final.
Le climat politique régnant aux Etats-Unis imposait pratiquement la victoire du candidat démocrate, mais il faut reconnaître que sa campagne a été bien menée, conçue et exécutée par une équipe solide et loyale à Obama, qui a su serrer les rangs pendant toute la durée de la bataille.
Dès le début, Obama a mené la vie dure à ses opposants --aussi bien les autres candidats démocrates que son rival républicain—sur toute l’étendue du territoire national : il s’est ainsi fait connaître, a créé des liens avec l’appareil et les bases du parti dans tout le pays et a accumulé des forces, d’abord parmi les délégués à la Convention démocrate puis dans l’identification et l’enregistrement d’électeurs potentiels en vue de ce 4 novembre. Par contre, aussi bien Hillary que McCain ont mené une campagne tout à fait traditionnelle, s’appuyant sur les lieux et les groupes qui, historiquement, penchaient pour l’un ou l’autre des deux partis.
Initiative cruciale : Obama a fait appel à des milliers de volontaires, il a créé des groupes professionnels de propagande dans tous les Etats et constitué un solide réseau sur Internet ; il livrait bataille sur tous les fronts à la fois, auprès de centaines de milliers et même de millions de votants, se faisait connaître, défendait ses positions et répondait aux campagnes de discrédit lancées aussi bien par l’équipe d’Hillary Clinton que par celle de McCain.
Enfin, Obama a battu tous les records dans un domaine fondamental et indispensable pour toute campagne électorale : la collecte de fonds. Aussi bien les dons modestes de citoyens privés pendant les primaires que les contributions décisives d’institutions et d’entreprises pendant l’étape finale, en octobre et novembre. Obama a reçu des dons de plus de trois millions de personnes et l’apport du noyau du pouvoir économique et politique des Etats-Unis a été considérable. Obama bénéficie indubitablement du soutien de la classe dominante des Etats-Unis.
On ne dispose pas encore des derniers chiffres, mais les dons recueillis au profit de la candidature d’Obama dépassent facilement les 800 millions de dollars. A lui seul, Obama a recueilli plus de fonds que George W. Bush et John Kerry réunis pour les élections de 2004.
Pour se faire une idée du coût économique de cette campagne, signalons que le Center for Responsive Politics estime que de janvier 2007 à ce jour, l’élection présidentielle est évaluée à 2,4 milliards de dollars, et celle de 435 congressistes et 100 sénateurs fédéraux à 2,9 milliards. Soit, au total, 5,3 milliards.
Si l’on examine les étapes de la campagne de Barack Obama, on constate qu’à part de courts points morts en mars et avril, pour les primaires, et dans la deuxième semaine de septembre, sa popularité a toujours été ascendante et sa campagne a été largement plus solide, unie et définie que celles de ses rivaux, Hillary Clinton et John McCain.
A partir du 14 septembre, l’explosion de la crise financière sonnait l’hallali de la candidature républicaine. Malgré ses efforts désespérés (dont une interview donnée au journal ultra-conservateur Washington Times, à ne pas confondre avec le Washington Post, où il a adressé des critiques sévères à l’administration Bush), McCain n’a pas pu se défaire de l’héritage maudit des huit dernières années de mandat du plus inepte des présidents nord-américains. A ceci s’ajoutent les performances dérisoires de la co-listière qu’il a choisie, l’amazone arctique de l’Alaska, Sarah Paulin, et les résultats adverses des trois débats présidentiels et du débat vice-présidentiel. Rien n’était plus assuré, que la débâcle !
Le triomphe des démocrates aux présidentielles s’accompagne de leur deuxième victoire consécutive aux élections législatives. Il n’est pas improbable que la marge de contrôle démocrate à la Chambre passe de 36 congressistes à cent, ce qui impliquerait un bénéfice net de trente sièges. Au Sénat aussi, il est possible que les démocrates comptent dix sénateurs de plus, ce qui porterait ses troupes au chiffre de 60, pour tenir en échec le « banditisme » qui s’exerce au cours de certains débats et de votes à la Chambre haute.
Barack Obama vient de clore une étape historique. Il lui reste à affronter la suivante.
L’auteur est spécialiste des relations internationales et a été chef de la section des intérêts de Cuba aux Etats-Unis de septembre 1977 à avril 1989.
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