lundi 24 novembre 2008

QUESTIONS SUR LA CRISE?

Nombreuses sont les questions autour de la crise. Voici une série fort éducative dans laquelle nos camarades du PTB (Solidaire) tente de répondre aux questions de leurs lecteurs-trices les plus fréquentes.
François Ferrara
Parti du Travail de Belgique

Qui paie la crise en fin de compte ?

L’état (les états peut-on dire car tous les états capitalistes agissent de même) apporte de l’argent frais aux banques et assurances afin d’éviter leur faillite, soit pour apporter des liquidités soit pour recapitaliser des actifs toxiques (qui n’ont plus aucune valeur). Et, c’est là que « l’arnaque » est complète : les banques, avec cet argent, achètent des actifs « sûrs » : les obligations de l’état, titre de la dette publique, pour remplacer les actifs pourris. Les banques avec l’argent de l’État, donc des travailleurs, deviennent les créanciers de l’état. Ces mêmes banques et assurances (donc leurs actionnaires) non seulement ne payent pas la crise, mais vont s’enrichir pendant des années sur le dos des travailleurs. Comme les états n’ont pas exigé de droit de vote dans les décisions de ces entreprises financières, on peut donc parler non pas de « nationalisation » des banques mais de « privatisation » de l’état. Il devient un créditeur à la solde de ses créanciers, les banques, et tout cela avec l’argent des travailleurs.
Derrière l’argument « on n’avait pas le choix » pour sauver les emplois et les petits épargnants, nos dirigeants politiques ont amené les travailleurs à être endettés pour des années vis à vis des banques. C’est très loin d’être une « nationalisation » comme les politiciens et les médias nous ont présenté cette « soupe ».

Quelle a été l’intervention des États ?

Comme même l’action du « prêteur en dernier ressort » (les banques centrales) ne pouvait juguler la crise, les états capitalistes dans leur ensemble, ont apporté de l’argent « frais » aux banques et ont donné leur garantie sur les dépôts. En Belgique, par exemple, c’est 20 milliards d’euros que l’état a injecté dans les banques. La garantie sur les dépôts des épargnants ne deviendra une dépense réelle pour l’état que si les banques ne peuvent plus « rendre » l’argent aux déposants. Mais, les 20 milliards sont bien réels, eux. Comment l’état a-t-il trouvé cet argent alors qu’il n’en a pas pour augmenter les pensions ou créer des crèches ? En augmentant la dette publique : l’état a émis de nouvelles obligations d’état, ce qui constitue une dette de l’état envers celui qui achète ces obligations. Il faudra rembourser ces obligations avec intérêts, et le remboursement est fait avec les impôts du contribuable, donc des travailleurs. Encore faut-il comprendre ce qui se cache derrière tout ça ?

Pourquoi les banques ont-elles eu des problèmes ?

Cela renvoie à la question à laquelle nous avons déjà répondu précédemment : la crise des subprimes aux États-Unis a-t-elle une influence ici ?Par la titrisation, les banques du monde entier sont donc concernées. Lorsque ces prêts n’ont plus su être remboursés, les banques se sont vite retrouvées en manque de fonds propres pour faire face à leurs engagements. Elles ont donc du tenter de lever des capitaux sur les marchés financiers, ce qui s’appelle « recapitaliser ». Mais elles ont eu des difficultés énormes à trouver des investisseurs (petits ou grands) disposés à, en quelque sorte, leur prêter de l’argent. Se retrouvant sans liquidités, les banques sont entrées dans la crise des liquidités.Les banques centrales sont donc intervenue massivement pour « injecter des liquidités », mais rien n’y fit, les « trous étaient trop importants ». C’est l’attitude de la Banque centrale européenne (BCE) et de la FED (Réserve fédérale américaine) depuis août 2007 jusque début septembre 2008. Comme les banques ne se sont plus prêtées entre elles car elles n’avaient plus confiance les unes dans les autres, un certain nombre de banques se sont retrouvées sans liquidités : elles étaient en crise de solvabilité (Northern Rock, Fortis etc…). Cela a obligé les états à intervenir afin d’éviter la faillite du système bancaire car il fallait éviter que les épargnants viennent retirer massivement et brutalement leurs dépôts ce qui n’aurait fait qu’accélérer les problèmes de liquidité et de solvabilité des banques.

Que veut dire : « les banques centrales ont injecté X milliards de dollars ou d’euros dans le système bancaire » ?

En fait, les banques centrales ne donnent pas de l’argent aux banques, elles leur prêtent avec intérêts. Si les banques commerciales accordent trop de crédits ou se retrouvent avec trop de non-remboursements, ses propres réserves de monnaie fiduciaire sont insuffisantes pour satisfaire la demande en billets de ses clients, elle se retrouve dans l’obligation d’emprunter aux autres banques, le marché monétaire, ou d’emprunter à la banque centrale. Dans les deux cas, c’est son propre compte à la banque centrale que la banque commerciale voit débité. Les « refinancements » sont simplement ces prêts à court terme de la Banque centrale aux banquiers commerciaux qui ont des difficultés à trouver cette monnaie sur le marché monétaire par manque de confiance de leurs collègues. Bien évidemment la Banque centrale fait payer un intérêt (s’enrichit) aux banques commerciales (qui répercutent cet intérêt sur les travailleurs) et prends des escomptes en garanties. Tant que la banque commerciale peut offrir ces garanties, tout va bien ! Dans le cas contraire, la création de crédit s’arrête : c’est le crédit crunch….La fameuse crise financière dont on nous parle tant.


Qu’est-ce que le marché interbancaire ?

Les banques qui se trouvent avec un excédent de liquidités prêtent aux banques qui n’en ont pas assez à un taux légèrement supérieur au taux de refinancement. C’est le blocage de ce marché interbancaire qui est au centre de la crise financière actuelle. Toutes les banques se sont retrouvées soit à court de liquidités, ce qui les plaçait en situation de faillite, soit avec des liquidités en trop mais ne voulaient plus prêter aux autres banques de peur de ne pas récupérer leur capital prêté.

Quelle est l’importance du taux de refinancement ?

C’est le principal outil de la Banque centrale européenne (BCE) pour lutter contre l’inflation (la hausse des prix) et pour contrôler l’octroi des crédits, que ce soit pour les entreprises ou pour les particuliers. Les banques qui ont besoin d’argent pour accorder des crédits à leurs clients empruntent à la banque centrale au taux de refinancement et ensuite répercute le coût de l’intérêt sur le coût de l’intérêt des prêts accordés à ses clients. Donc, l’intérêt que nous payons sur nos prêts est dépendant du taux de refinancement de la banque centrale. Plus le taux de la BCE est bas, moins cher seront les prêts. Il y aura donc plus de personnes disposées à emprunter et l’activité économique prend plus d’importance : on consomme plus et les entreprises, pour répondre à la demande, produisent plus. Mais lorsqu’il y a trop de prêts, cela génère de l’inflation et les banques centrales augmentent donc leur taux d’intérêt afin de faire diminuer le nombre de prêt et, par conséquent de limiter l’inflation. Mais cela fait diminuer l’activité économique.

Qu’est-ce que le taux directeur ?

En fait il n’existe pas un taux directeur mais bien 3 taux directeurs. Mais le plus important est le taux de refinancement. Le taux de refinancement est le taux auquel se réfère la presse lorsqu’elle annonce que telle ou telle banque centrale diminue ou augmente ses taux. Pour la Banque centrale européenne, il est actuellement de 3,75 %. C’est le taux auquel les banques empruntent à court terme des liquidités à la banque centrale pour faire face à la demande d’argent de ses clients. C’est ici qu’intervient le marché interbancaire.

Qu’est-ce qu’une banque centrale ?

Une banque centrale est la banque de toutes les banques. Chaque pays ou zone monétaire a une banque centrale. En Belgique c’est la banque nationale. Dans la zone euro, la banque centrale ou BCE est une réunion des banques centrales de chaque pays. Il faut noter que la BCE est, de par ses statuts, totalement indépendante politiquement. Bref, les travailleurs n’ont rien à dire sur ses agissements. Les banques centrales ont pour attribution de superviser :
- La politique monétaire
- la solvabilité des banques et le respect de la réglementation. Ses moyens sont entre autres :
1) Les taux directeurs
2) La fixation du niveau des réserves monétaires obligatoires pour chaque banque
3) Les interventions sur le marché des changes Les banques centrales sont appelées « prêteur en dernier ressort » car elles prêtent aux banques commerciales lorsque celles-ci n’ont plus d’argent. Ou pour qu’elles puissent octroyer des prêts.

Qu’est-ce que le taux d’intérêt ?

Le taux d’intérêt pour les capitalistes, représente le coût de ce qu’on appelle « le loyer de l’argent ». C’est donc « un droit d’usage du capital ». Le taux d’intérêt s’applique donc à toute somme d’argent prêtée. Lorsque la banque prête un capital, c’est elle qui « touche » l’intérêt », lorsqu’on place son épargne à la banque, quelque soit la forme du placement, on devient le « prêteur », on perçoit donc un intérêt sur le capital prêté. On comprend très vite que la banque pour faire du profit doit moins rémunérer les sommes qu’elle reçoit que les sommes qu’elle prête. Le taux d’intérêt est le pourcentage du capital avancé, pour une période donnée

Qu’est-ce que la bourse ?

La bourse est une institution qui peut être privée ou publique. On peut y faire des échanges (achat-vente) d’actifs ou de biens et y fixer le prix par un système de cotation. Il existe 2 types de bourses : les bourses de commerce où se traitent les marchandises et les bourses des valeurs où s’échanges des titres d’entreprises, par exemple les actions. Dans le cas de la crise financière, c’est essentiellement de la bourse des valeurs que l’on parle.
La valeur des actions est surtout fixée par la loi de la demande et de l’offre. Donc, plus il y a d’acheteurs pour une action, plus celle-ci prendra de la valeur monétaire. Moins il y a d’acheteurs pour une action, moins celle-ci aura de la valeur monétaire. Les principales bourses du monde sont des bourses privées : Wall-Street, Londres etc…

Les produits financiers, c’est quoi ?

Il existe une multitude de produits financiers. Ils sont divisés en 2 catégories :
Les titres financiers tels que les actions, les obligations et les titres de créances.
Les produits dérivés : Futures, Swaps, forwards etc..
L’action est censée représentée une part du capital réel de l’entreprise. L’action a une durée de vie illimitée et son propriétaire court le risque total de l’entreprise. Il ne perçoit aucun revenu si l'entreprise va mal et en cas de faillite l'actionnaire passe après le créancier dans la répartition du produit de la vente des actifs, autrement dit la plupart du temps, il ne peut rien récupérer. Mais l’action donne droit chaque année à une participation au bénéfice de l’entreprise qu’on appelle le dividende. En principe, chaque actionnaire a un droit de vote à l’assemblée générale des actionnaires au prorata du nombre d’actions de l’entreprise qu’il détient.
Comme la valeur monétaire d’une action monte avec la loi de l’offre et de la demande, elle représente rarement la valeur réelle d’une entreprise et permet, comme l’expliquait Marx, la constitution d’un capital fictif. Autrement dit : la valeur monétaire totale des actions d’une entreprise est très souvent bien supérieure à sa valeur réelle.

Quel est le rôle des banques dans le système financier ?

Le rôle essentiel des banques est :
De collecter et de centraliser le capital argent.
De mettre à disposition ce capital argent aux entreprises et aux particuliers.

Cette mise à disposition se fait par l’intermédiaire du crédit.En analysant le rôle du crédit dans la société capitaliste on peut y déceler ceci :à l’origine, il a permis une formidable explosion des forces productives (usines, machines,…) en concentrant et centralisant le capital permettant l’investissement nécessaire à l’expansion industrielle : « Les prêts permettent à l’industriel d’élargir la production, d’augmenter le nombre des ouvriers et, par conséquent, d’accroître la masse de la plus-value (ce qui est en gros le bénéfice, ndlr) », a dit Marx.
En effet, il est illusoire de croire qu’un seul capitaliste économise afin d’investir sa fortune personnelle et prendre le risque de la perdre. Les capitalistes empruntent aux banques les capitaux nécessaires à l’investissement et, comme leur profit dépasse le taux d’intérêt, ils sont gagnants. De plus avec les différentes formes de société (Société Anonyme, SPRL, etc…) ils ne prennent aucun risque. Si ça tourne mal (faillite), les banques ne peuvent jamais saisir leur patrimoine personnel. Contrairement aux travailleurs qui se voient saisir leur maison lorsqu’ils ne peuvent rembourser.
Les capitalistes jouent aussi avec le capital amassé sur les marchés financiers. Ils utilisent en Bourse donc la richesse produite par les travailleurs et transformé en forme argent. Lorsque les spéculateurs jouent cette richesse à la bourse, c’est le travail accumulé par les travailleurs qu’ils jouent au casino.

Qu’est-ce que le subprime ?

Le nom complet de ce type de crédit hypothécaire est « subprime mortgage ».
Subprime parce qu’il est accordé à un emprunteur qui n’offre pas les garanties nécessaires, vu leurs faibles revenus, avec des taux variables (c’est important) peu élevés les deux premières années et ensuite très élevés ce qui apporte de gros bénéfices au prêteur. Ces prêts sont accordés pour de longues périodes : 40 ou 50 ans. Le profit important sur de longues périodes explique l’empressement des banques US à les généraliser. Celles-ci notent leurs clients en subprime, prime et non-prime. Le risque de non remboursement du candidat emprunteur est coté suivant le système du « credit scoring », une cotation en point qui évalue l’âge, la profession, l’adresse, le revenu, la situation familiale, la totalité des crédits en cours, l’historique de défaut de remboursement, parfois même l’extrait de casier judiciaire. Ce « credit scoring » est élaboré par des bureaux privés dont le plus célèbre est Fico. Si le client se révèle être défaillant, c’est-à-dire lorsque son score est inférieur à 620, il est placé dans la catégorie subprime. La catégorie prime concerne les clients avec peu de risques cotés à 650, et les non-primes sont les candidats présentant une solvabilité absolue, autrement dit, les riches. Donc, le « subprime » s’adresse en premier lieu à des pauvres ou des travailleurs pauvres. On estime à 25%, le nombre d’Américains ayant contracté un « subprime ».
Mortgage car ce mot découle du vieux français. C’était une servitude féodale qui contraignait le paysan à un endettement à vie. D’où « Mort Gage ».
Les banques spécialisées dans ces crédits hypothécaires incorporent d’ailleurs le terme dans son nom. Par ex : American home mortgage.

Pourquoi la crise des subprimes aux États-Unis a une influence ici ?

Afin d’augmenter la possibilité de faire des prêts, les banques US vont procéder à la titrisation de ces prêts. Ceci bien entendu pour pouvoir faire plus de profit et non pour rendre plus de travailleurs US propriétaires de leur logement.
Sans rentrer dans les termes techniques et afin d’être le plus clair possible, la titrisation consiste donc, pour les banques, à sortir les crédits de leur bilan pour les revendre à d’autres investisseurs ou d’autres banques. Ces acteurs financiers (banques, fonds d’investissements, hedges funds et même les fonds de pension) dans leur soif de profit vont être tout heureux de les acheter car ces crédits ont un rendement très élevés car la prime de risque est très importante. C’est la définition même du subprime. Ces investisseurs sont non seulement américains mais aussi étrangers. Donc, les banques américaines accordent ces crédits et les revendent dans le monde entier. La mondialisation a bien sûr permis cela. Récupérant du cash, les banques US pouvaient accorder de nouveaux crédits et les revendre à nouveaux. La machine s’est donc emballée. Bref, si une banque sait que si elle accorde un crédit, ce crédit peut immédiatement être revendu et sortir du bilan avec un transfert de risque à l’acheteur, cela induit automatiquement deux conséquences. La première est que cette titrisation ne vise en fait qu’à extraire plus de valeur d’un actif financier. La seconde permet une prise de risque plus importante. C’est ce qui explique la possibilité d’avoir pu prêter à des clients insolvables. Si le banquier avait dû garder ces crédits dans son bilan, il aurait étudié beaucoup mieux la solvabilité de l’emprunteur.
Les banques par ce procédé se débarrassent des risques. En Anglais le terme est « securisation » ce qui exprime bien la finalité.
Ceci est un point essentiel pour comprendre la crise. La titrisation des créances est une possibilité technique créée au début des années 80. Il a fallu une législation particulière pour le permettre. Le gouvernement US de l’époque a mis donc en place le cadre légal pour permettre aux banques d’encore augmenter leur profit. Ce n’est donc pas un avatar du système mais une décision délibérée du système néolibéral. Cette technique est apparue plus tard en Europe. Et s’est généralisée à partir de l’an 2000.
Grosso modo la technique consiste pour la banque à découper ses créances en « part de saucisson » et à les transformer en titres négociables. Elle met une part de crédit à haut risque, une à moyen risque, une à bas risque etc. Et en fait un tout pour le revendre. Il est bien évident que, dans la réalité, c’est bien plus compliqué, c’est très technique mais le principe est celui-là.
Comme ces créances titrisées ont été revendues dans le monde entier, les banques européennes sont concernées.

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