dimanche 27 juillet 2008

LE CANADA VA-T-IL TOMBER EN RÉCESSION ?

Par Robert Luxley

À tous les jours, les bulletins télévisés de nouvelles nous parlent des fluctuations des marchés boursiers. Ils s’effondrent un jour, remontent un peu le lendemain, baissent à nouveau le surlendemain. Les investisseurs sont nerveux et tous les commentateurs qui spéculent sur les chances du Canada d’éviter la récession, semblent vouloir chercher à apaiser les craintes.

Alors que des usines ferment, que General Motors annonce un plan majeur de redressement pour éviter la faillite, que Ford annonce des pertes de près de $8,7 milliards, que les annonces de pertes d’emplois se multiplient, le ministre fédéral des finances Flaherty n’en déclare pas moins que les bases de l’économie canadienne sont solides.

Mais qu’est qu’une récession ? - Interviewé par le quotidien Le Devoir, le député Libéral de Laval-des-Rapides, Alain Paquet, ancien professeur d’économie à l’UQAM et détenteur d’un doctorat sur les cycles économiques répond: « Deux trimestres consécutifs de croissance négative! C'est la définition «populaire».

Ainsi, officiellement, après avoir connu une baisse durant le premier trimestre de 2008, le PIB aurait connu une légère hausse durant le second, de telle sorte qu’officiellement, le Canada échapperait à la récession pour l’instant. Quoi qu'il en soit, l'économie canadienne est loin d'être tirée d'affaire.

Une crise à l’échelle mondiale

Évidemment, surtout dans le contexte de mondialisation, l’économie canadienne ne fonctionne pas en vase clos. Bien au contraire, les Etats-Unis ont même considérablement renforcé leur mainmise sur l’économie canadienne depuis plusieurs années et particulièrement depuis l’accord de libre-échange. Les Etats-Unis étant non seulement l’économie dominante à travers le monde, mais aussi les principaux partenaires commerciaux du Canada, leur économie a forcément un impact majeur sur la celle de ce dernier. Il suffit par exemple de voir jusqu’à quel point la parité que le dollar canadien a maintenant avec la devise américaine, surtout à cause de la baisse de cette dernière, influe sur le niveau des exportations canadiennes, et sur les pertes d’emplois dans l’industrie.

Or les Etats-Unis vivent depuis l’été 2006 leur pire crise financière depuis les années trente. Partie dans l’immobilier qu’un crédit hypothécaire (subprimes) trop accessible (mais à des taux d’intérêt plus élevés) et que la spéculation avaient gonflé outre mesure, la crise a fini par s’étendre peu à peu à tout le secteur bancaire et financier, étasunien au départ, pour devenir une crise mondiale depuis l’été 2007. Les spéculateurs (incluant les banques) en voulant se débarrasser à la Bourse des titres représentant ces hypothèques à risques et pour rechercher des placements sûrs qui rapportent (notamment dans le pétrole et l’alimentation ce qui contribue à la flambée des prix et à la crise alimentaire mondiale), ont fait éclater la bulle provoquant par le fait même un manque de liquidité majeur.

Pour empêcher les banques de tomber en faillite, particulièrement aux Etats-Unis, ce qui provoquerait immédiatement une dépression majeure à l’échelle de la planète, les banques centrales des principaux pays impérialistes ont prêté depuis l’été 2007 plus de $1 000 milliards aux banques ordinaires. Mais cela n’a pas empêché dernièrement une banque californienne, IndyMac, de se retrouver en faillite et d’être placée sous tutelle bancaire, et non plus empêché que le gouvernement américain soit obligé de soutenir financièrement (On parle encore de plusieurs centaines de milliards) Freddie Mac (Federal Home Mortgage Corporation) et Fannie Mae (Federal National Mortgage Association). Il s’agit de deux des plus importantes institutions financières impliquées dans le refinancement hypothécaire et qui possèdent à elles seules ou garantissent environ la moitié des $12 000 milliards en hypothèques aux États-Unis. Il serait même question de les étatiser si les mesures actuelles sont insuffisantes (Lorsque ça va mal pour le privé, la bourgeoisie vire son capot de bord et devient soudainement partisane de rendre publiques…les pertes).

Selon le FMI, la perte des banques jusqu’à présent à cause de cette crise des « subprimes » se monterait à $945 milliards. Selon Alan Greenspan, l'ancien président de la Réserve fédérale américaine, l’économie mondiale a pris un tournant décisif. La période de croissance soutenue et d’inflation modérée est bel et bien révolue. Il prévoit que la période qui vient sera marquée par des prix élevés pour le pétrole et les aliments, dont la hausse récente serait selon lui, en grande partie causée par des tensions entre l’offre et la demande et en partie par la spéculation.

De leur côté, les banquiers européens craignent un effondrement du système bancaire mondial : « La situation aux États-Unis est bien pire que nous le pensions », déclare Maurice Lippens, grand patron de la Fortis en Belgique, « on prévoit quelque 6 000 faillites parmi les banques américaines qui ont actuellement une faible couverture. Mais des groupes comme Citigroup, General Motors, Chrysler peuvent être emportés. Un effondrement total s’amorce aux Etats-Unis. » L’économie mondiale selon ces spécialistes de la bourgeoisie serait donc au début d’une crise économique d’envergure sous tous ses aspects : économique, financier, industriel, avec une inflation des prix alimentaires et énergétiques.

La crise est causée par la baisse du taux de profit

Les perturbations financières actuelles ne sont pas la cause fondamentale de la crise qui se dessine mais en sont plutôt une manifestation qui la révèle. Les pertes financières provoquées par l’éclatement de la bulle spéculative dans l’immobilier sont la perte de ce que Marx appelait « un capital fictif ». Aucune richesse réelle n’est pour autant disparue. Bien au contraire, il y a même relativement trop de richesses.

Dans leur quête avide de profits, les capitalistes cherchent continuellement à augmenter la productivité des travailleurs-euses, c’est-à-dire d’augmenter le taux de plus-value (il s’agit du rapport entre le travail non-payé aux travailleurs-euses que les capitalistes empochent et le capital investi en salaires). Pour ce faire ils développent la production au maximum, en réinvestissant la plus-value dans des machineries plus performantes et dans une organisation du travail plus productive, afin de produire plus de marchandises à moindre coût en réduisant les coûts de main-d’oeuvre.

Cela modifie la composition du capital dans son rapport entre le capital fixe (machineries, bâtiments, matières premières etc.) qui augmente et le capital variable (main-d’œuvre) qui proportionnellement diminue. La conséquence de cette situation est que « le progrès de la production capitaliste implique nécessairement que le taux général moyen de la plus-value se traduise par une baisse du taux de profit général : c’est une nécessité évidente découlant de l’essence du mode de production capitaliste. La masse de travail vivant (capital variable, ndlr) employé diminuant sans cesse par rapport à la masse du travail matérialisé (capital fixe ou constant, ndlr) qu’elle met en œuvre, par rapport aux moyens de productions consommés productivement, il faut bien que la fraction non payée de ce travail vivant qui se concrétise en plus-value voit son rapport au volume de valeur du capital total diminuer sans cesse. Or ce rapport de la masse de plus-value à la valeur du capital total employé constitue le taux de profit ; celui-ci doit donc baisser continuellement. » (K. Marx, Le Capital, livre troisième, tome I, Éd. Sociales, 1974, p. 227)

Lorsque le taux de profit diminuant devient trop bas, les capitalistes ne voient plus aucun intérêt à faire fonctionner la machine économique et la production des marchandises s’enraye. Nous nous retrouvons alors dans une crise économique. Les mécanismes qui font baisser le taux des profits en remplaçant les ouvriers-ères par des machines provoquent par le fait même l’augmentation du chômage. L’augmentation du chômage à son tour diminue le revenu global des ouvriers-ères et leur consommation déjà limitée par des salaires maintenus le plus bas possible, ce qui affecte par ricochet la vente et la production des marchandises concernées (principalement des marchandises de première nécessité : aliments, vêtement, logement, énergie, etc.). D’autre part, la demande de marchandises de luxe et de moyens de production est quant à elle affectée par la baisse des profits des capitalistes. Bref, il y a alors une baisse de la demande globale faute de moyens alors que l’offre a été poussée à son plus haut niveau. (Voir ci-bas l’article sur les causes des crises économiques).

Marx explique que « dans l’état de choses existant, le remplacement des capitaux investis dans la production dépend pour la plus grande part de la capacité de consommation des classes improductives (Grosso modo, il s’agit de la petite bourgeoisie, rentiers, professions libérales, etc., qui constitue dans les pays capitalistes développés un portion importante de la population. ndrl) tandis que la capacité de consommation des ouvriers est limitée en partie par les lois du salaire, en partie par le fait qu’on ne les emploie qu’aussi longtemps que leur utilisation profite à la classe capitaliste. La raison ultime de toute véritable crise demeure toujours la pauvreté et la limitation de la consommation des masses, face à la tendance de la production capitaliste à développer les forces productives comme si elles n’avaient pour limite que la capacité de consommation absolue de la société. (K. Marx, Le Capital, livre troisième, tome II, Éd. Sociales, 1970, p. 145)

Face à la baisse des profits, les capitalistes ne restent pas les bras croisés. C’est la qu’intervient le phénomène de l’inflation.

La stagflation

Normalement, lorsque la crise arrive au stade de la dépression que l’économie stagne et que l’offre des marchandises est abondante pendant que la demande des consommateurs est en baisse bien malgré eux, les prix des marchandises ont tendance à baisser. On peut assister alors à une phase de déflation plus ou moins longue jusqu’au moment de la reprise économique.

Évidemment, la bourgeoisie craint d’arriver à ce stade, non seulement parce que les profits y sont au plus bas, mais surtout parce que cela inévitablement provoque des remous sociaux et risque d’amener la classe ouvrière à se mobiliser et même à devenir menaçante pour le capitalisme. Aussi cherche-t-elle à bloquer le processus « normal » des crises économiques qui ne sont, rappelons-le, que des manifestations nécessaires du fonctionnement cyclique du capitalisme.

Les gouvernements et leurs banques centrales interviennent donc via des politiques inflationnistes qui visent à atténuer l’amplitude des cycles économiques. (Une « récession » serait une sorte de ralentissement contrôlé). Voici comment la Banque du Canada explique sa politique :
« L'élément central du cadre de conduite de la politique monétaire de la Banque est sa stratégie de maîtrise de l'inflation, dont l'objectif consiste à maintenir le taux d'inflation à environ 2 %, c'est-à-dire au point médian d'une fourchette cible, qui va de 1 à 3 %. …La Banque se préoccupe de tout écart important — qu'il soit positif ou négatif — du taux d'inflation par rapport au point médian de 2 %. Lorsque la demande est forte, elle risque de pousser l'appareil de production aux limites de sa capacité. Dans ce cas, l'inflation a tendance à augmenter au-dessus du point médian. La Banque intervient alors en majorant les taux d'intérêt afin de ralentir le rythme d'expansion de l'économie. À l'inverse, lorsque la demande est faible, les pressions inflationnistes ont tendance à se relâcher. La Banque abaisse alors les taux d'intérêt dans le but de stimuler l'économie et d'absorber les capacités excédentaires.
Quels sont les avantages d'une telle politique?
Un taux d'inflation bas, stable et prévisible constitue la meilleure contribution que la politique monétaire puisse apporter à une économie productive, qui fonctionne bien. Il permet aux Canadiens et aux Canadiennes de prendre des décisions en matière de dépenses et d'investissements avec une plus grande confiance. Cette confiance est favorable aux investissements à long terme dans l'économie canadienne et contribue au maintien de la création d'emplois et à l'accroissement de la productivité, gage de l'amélioration réelle de notre niveau de vie. »

Cette politique inflationniste permet dans une certaine mesure de contrer la baisse du taux des profits puisque «…les capitalistes réagissent en s’efforçant d’augmenter leurs prix de manière à obtenir les profits nécessaires à la poursuite de l’expansion de la production. La vente des marchandises à ces prix plus élevés est rendue possible par l’existence du crédit (crédit commercial, crédit bancaire, crédit à la consommation), par l’intermédiaire des banques et, en dernière analyse, de l’État, qui adapte la quantité de monnaie en circulation aux augmentations de prix désirées. » (Louis Gill, L’économie capitaliste : une analyse marxiste, deuxième partie, Presses socialistes internationales, 1979, p. 298).

Évidemment, cette politique d’inflation permanente se fait au détriment des masses et particulièrement de la classe ouvrière. L’augmentation continuelle des prix des marchandises équivaut en réalité à une réduction générale des salaires. La bourgeoisie peut ainsi augmenter le taux de plus-value et accroître le degré d’exploitation de la classe ouvrière sans augmenter davantage la composition organique du capital (le rapport entre le capital fixe et le capital variable), atténuant ainsi la baisse du taux de profit (qu’on dit « tendancielle »). À cet égard, les salaires réels depuis 1980 ont diminué au Canada, particulièrement ceux des salariés-es les plus pauvres. (Voir l’article de Kimball Cariou publié sur ce blog le 21 mai 2008 : « Statistique Canada confirme que les écarts de revenu croissent de plus en plus rapidement »).

Le problème que la bourgeoisie rencontre à l’heure actuelle est que la crise financière et la spéculation, qui jouent un rôle important dans l’envolée des prix des matières premières, fait augmenter le taux d’inflation au dessus du niveau qu’ils trouvent souhaitable. Ainsi, le mois dernier le taux au Canada a dépassé les 3% et on prédit qu’il pourrait dépasser d’ici la fin de l’année 4%. Aux États-Unis, il dépasse déjà les 5%. Et évidemment, on parle du taux général, mais qui est encore bien plus élevé pour certains produits de première nécessité comme l’alimentation.

La difficulté d’une part est que les rentiers subiront une perte sèche si les taux d’intérêts qu’ils peuvent retirer des placements financiers de leur capital est plus bas que le taux d’inflation. D’autre part, une inflation trop importante peut provoquer une mobilisation de la classe ouvrière pour augmenter les salaires, annihilant les efforts des capitalistes pour augmenter leurs profits
Jusqu’à maintenant, la Banque du Canada a maintenu son taux directeur à 3% (Le taux auquel elle prête aux banques ordinaires) afin de ne pas aggraver le ralentissement économique. Mais en même temps, des mises-en-garde sont envoyées à la classe ouvrière d’accepter la hausse des prix docilement, sinon, on menace d’augmenter les taux d’intérêts. Ainsi, encore une fois selon Alan Greenspan, le défi pour les banquiers centraux sera de maintenir le contrôle de l’inflation. Les banques centrales « n’auront pas d’autre choix que de revenir à des taux d’intérêts élevés ». Il ajoute qu’il faudra que les politiciens « s’y fassent et convainquent la population de la nécessité de maintenir une politique monétaire plus rigide».
Le Canada frappé de désindustrialisation

Donc, la récession, que de nombreux économistes définissent comme deux trimestres consécutifs de croissance négative, «… demeure une définition «approximative, pas fausse, mais pas tout à fait complète, souligne Alain Paquet … Au fond, il faudrait parler d'un déclin ou d'une baisse significative de l'activité économique, dans l'ensemble de l'économie, qui dure plus de quelques mois L'expression «deux trimestres» est commode. Mais trop tranchante pour les situations économiques. Aussi, pour bien déterminer s'il y a récession ou non, ce n'est pas seulement le PIB réel qu'il faut observer, mais aussi le revenu réel, l'emploi, la production industrielle, les ventes de gros et de détail. »

Or, si on pousse l’analyse un peu plus loin de la situation économique au Canada, on se rend compte un peu comme le dit Alain Dubuc du journal La Presse « que les indicateurs économiques canadiens ne veulent pas dire grand-chose… L’économie canadienne est devenue une économie à trois vitesses. Les quatre provinces de l’Ouest qui ne sont même pas au courant qu’il y a des problèmes, le Canada central, le Québec et l’Ontario, très touchés, et les provinces maritimes, qui s’en sortent un peu mieux ».

En réalité, la faible croissance du dernier trimestre s’explique surtout par le fait que ce sont surtout les provinces de l’Ouest qui, profitant du boom spéculatif dans les matières premières, augmentent la croissance moyenne et qui compense pour la mauvaise performance du Québec et surtout de l’Ontario, le centre industriel du pays. Par exemple, tandis que Pétro-Canada annonce une augmentation de ses bénéfices nets de 77% pour le dernier trimestre (soit la coquette somme de $1,5 milliard volée au peuple) et que Potash Corp. de la Saskatchewan (profitant de la crise alimentaire et de la demande d’engrais) quant à elle annonce une hausse de ses profits de 181%, soit plus de $600 millions, en Ontario pendant ce temps on voit la croissance du PIB stagner depuis 2003 en dessous de la moyenne canadienne. La faible croissance que la province a malgré tout connue, a été réalisée essentiellement dans le développement dans les industries de services, alors qu’il y a eu une décroissance dans la production de biens. Grosso modo, il en va de même au Québec.

Selon les données de statistiques Canada, la production de biens (agriculture, extraction minière, pétrolière, construction, fabrication, etc.) a reculé au pays de 3,2% pendant que la production de services (commerce, transport, finance, restauration, etc.) a augmenté de 3,3% d’avril 2007 à avril 2008. En avril 2008, la production de biens se chiffrait à 368 milliards de dollars pendant que celle des services était de 866 milliards. Cela signifie que les services représentent 70% de toute l’économie. Or c’est la production des biens qui génère la plus-value à la base des profits que convoitent tant les capitalistes.

Cette « tertiarisation » de l’économie canadienne témoigne d’une part de son caractère parasitaire, typique de l’impérialisme. Mais en même temps, cela témoigne aussi de la désindustrialisation que le Canada subit du fait de la domination impérialiste, surtout américaine. Ainsi, même le secteur pétrolier qui est le Klondike en Alberta est complètement dominé par des entreprises privées et surtout étrangères (Le Canada serait un des rares sinon le seul pays dans le monde qui abandonne complètement ce secteur stratégique à l’entreprise privée).

La faiblesse de sa base industrielle rend l’économie canadienne plutôt fragile, dépendante du secteur des matières premières. Déjà, au moment d’écrire ces lignes, la baisse de la demande pour le pétrole en réaction à la hausse des prix a provoqué une baisse du prix du brut et une baisse du cours du pétrole à la Bourse. En avril, selon Statistiques Canada, même l’extraction de pétrole et de gaz aurait enregistré un recul, de telle sorte que la production du secteur de l’énergie a diminué de 1,1%

Au-delà de la définition « officielle » de la récession, on peut dire avec certitude que le Canada connaît actuellement un ralentissement économique très important qui va sérieusement affecter la vie des gens. Est-ce que cela va empirer et évoluer vers une crise économique ? Ce n’est pas encore certain, mais considérant le niveau d’imbrication des économies du monde entier, les possibilités sont considérables.


Quelle est la cause des crises économiques ?

Les crises économiques qui engendrent la misère dans le système capitaliste sont liées à la nature elle-même de ce système. Elles sont des manifestations régulières de sa contradiction fondamentale, à savoir, « celle qui existe entre le caractère social de la production (socialisée par le capitalisme) et le mode privé, individuel d’appropriation. » (Lénine, O.C., tome 2, p. 165, Éditions du Progrès, Moscou, 1966).

C’est pour cela que seule la fin du capitalisme et son remplacement par un mode de production socialiste pourra mettre définitivement fin à ces crises économiques.

L’explication scientifique du phénomène des crises est le résultat des recherches de Karl Marx, qu’il développa en particulier dans son chef-d’œuvre, Le Capital, dont voici des extraits pertinents :

LE CAPITAL, Livre troisième, chapitre XV, Développement des contradictions internes de la loi (Loi de la baisse tendancielle du taux de profit moyen, NDLR)

«… C'est le capital lui-même qui fixe une borne à la production capitaliste, parce qu'il est le point de départ et le point d'arrivée, la raison et le but de la production et qu'il veut qu'on produise exclusivement pour lui, alors que les moyens de production devraient servir à une extension continue de la vie sociale. Cette borne, qui limite le champ dans lequel la valeur-capital peut être conservée et mise en valeur par l'expropriation et l'appauvrissement de la masse des producteurs, se dresse continuellement contre les méthodes auxquelles le capital a recours pour augmenter la production et développer ses forces productives. Si historiquement la production capitaliste est un moyen pour développer la force productive matérielle et créer un marché mondial, elle est néanmoins en conflit continuel avec les conditions sociales et productives que cette mission historique comporte.
(…)
Même dans l'hypothèse poussée à l'extrême que nous venons d'examiner, la surproduction absolue de capital n'est pas une surproduction absolue de moyens de production. Elle n'est qu'une surproduction des moyens de production fonctionnant comme capital, devant produire une valeur supplémentaire proportionnelle à leur augmentation en quantité. Et cependant elle est une surproduction, parce que le capital est devenu incapable d'exploiter le travail au degré qu'exige le développement « sain » et « normal » de la production capitaliste, qui veut tout au moins que la masse de profit augmente proportionnellement à la masse de capital et n'admet pas que le taux du profit baisse dans la même mesure ou plus rapidement qu'augmente le capital.
La surproduction de capital n'est jamais qu'une surproduction de moyens de travail et d'existence pouvant être appliqués, à l'exploitation des travailleurs à un degré déterminé, le recul de l'exploitation au-dessous d'un niveau donné devant provoquer des troubles, des arrêts de production, des crises et des pertes de capital. Il n'y a rien de contradictoire à ce que cette surproduction de capital soit accompagnée d'une surpopulation relative plus ou moins considérable. Car, les circonstances qui accroissent la productivité du travail, augmentent les produits, étendent les débouchés, accélèrent l'accumulation comme masse et comme valeur et font tomber le taux du profit, sont aussi celles qui provoquent continuellement une surpopulation relative d'ouvriers, que le capital en excès ne peut pas occuper parce que le degré d'exploitation du travail auquel il serait possible de les employer n'est pas assez élevé ou que le taux du profit qu'ils rapporteraient pour une exploitation déterminée est trop bas.
(…)
…La contradiction qui caractérise le mode capitaliste de production, réside surtout dans sa tendance à développer d'une manière absolue les forces productives, sans se préoccuper des conditions de production au milieu desquelles se meut et peut se mouvoir le capital.
On ne produit pas trop de moyens de subsistance eu égard à la population; on en produit au contraire trop peu pour la nourrir convenablement et humainement. De même on ne fabrique pas trop de moyens de production, étant donnée la partie de la population qui est capable de travailler. Une trop grande partie des hommes est amenée par les circonstances à exploiter le travail d'autrui ou à exécuter des travaux qui ne sont considérés comme tels que dans un système absolument misérable de production. En outre, les moyens de produire que l'on fabrique sont insuffisants pour que toute la population valide puisse être occupée dans les circonstances les plus fécondes au point de vue de la production et par conséquent les plus favorables à la réduction de la durée du travail.
Mais périodiquement on produit trop de moyens de travail et de subsistance pour que leur emploi à l'exploitation du travailleur puisse donner le taux de profit que l'on veut obtenir. On produit trop de marchandises pour que la valeur et la plus-value qu'elles contiennent puissent être réalisées et reconstituées en capital, dans les conditions de répartition et de consommation inhérentes à la production' capitaliste, ou du moins parcourir ce cycle sans catastrophes continuelles. On peut donc dire que si la production de richesses n'est pas trop abondante, on produit périodiquement trop de richesses ayant la forme capitaliste avec les contradictions qui en sont inséparables.
Les faits suivants assignent une limite à la production capitaliste :
1. En entraînant la baisse continue du taux du profit, le progrès de la productivité du travail donne le jour à une force antagoniste, qui à un moment donné agit à l'encontre du développement de la productivité et ne peut être vaincue que par des crises sans nombre;
2. L'importance de la production, qu'elle doive être accrue ou restreinte, est déterminée, non par les besoins sociaux, mais par l'appropriation par le capitaliste du travail qu'il ne paye pas et le rapport de ce travail au travail matérialisé, en d’autres termes, par le profit et le rapport du profit au capital engagé; d'où il résulte que la production s'arrête, non lorsque les besoins sont satisfaits, mais lorsque l'impossibilité de réaliser un profit suffisant commande cet arrêt. »

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